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Baptiste

Bouilleur de cru - Gnôleur rural et conteur de gouttes - Remet au goût du jour un savoir-faire ancestral et les eaux de vie - Installé depuis 2019 à Saint-Etienne-de-Chomeil, petit village cantalou perché sur une colline.

Dès les premiers échanges, on se prend d’affection pour Baptiste et sa trempe mordante, un passionné rock’n’roll qui se fait un plaisir de nous raconter son métier au milieu de son atelier pas comme les autres. Loin des clichés clinquants du monde des spiritueux souvent très industrialisés, le jeune bouilleur de cru redonne à la distillation toute son aura artisanale et traditionnelle en écartant tous les produits superflus.

« J’aime bien le terme de « gnôle », comme pour prendre le contrepied du côté « bling-bling » que peut souvent refléter le milieu des spiritueux. » Baptiste, originaire de Dordogne, n’est pas tombé si vite dans l’alambic. Après une formation de comptable dans la Creuse, il se dirige finalement vers le métier de malteur et co-fonde une malterie artisanale, bio et solidaire en Ardèche qui approvisionnait les brasseries artisanales. Puis, il découvre l’art de la distillation dont il tombe instantanément amoureux. C’est en 2017 qu’il réalise sa première distillation dans la Drôme avant de s’installer définitivement dans le Cantal, à Saint-Etienne-de-Chomeil, suivant sa soeur déjà sur place. Originaire d’une famille de paysans, on comprend facilement pourquoi Baptiste a fait ce choix de vie, loin des grandes villes et proche d’un métier qui résonnait en lui avec une évidence naturelle.

Au coeur du hameau silencieux, l’immense grange de la distillerie accueille les visiteurs qui arrivent dans ce bout du monde après plusieurs kilomètres à rouler sur une petite route en lacets. L’ancien bâtiment, rattaché à la maison de Baptiste, fait désormais office de distillerie après plusieurs années de travaux. Nous garons la voiture face aux paysages fabuleux du Cantal et poussons la porte de cette adresse devenue incontournable. Les arômes délicats nous sautent instantanément au nez. Un mélange de caramel, d’alcool et de fruits sucrés. Au-dessus de nos têtes, le plafond s’étire haut sous la charpente en bois et sur le côté, une silhouette brillante s’impose. Baptiste nous présente son coéquipier sans qui rien ne serait possible : son alambic charentais datant de 1966, entièrement habillé de cuivre aux reflets dorés (le cuivre permet un meilleure répartition de la chaleur et remplit la fonction de catalyseur).

Celui-ci trône fièrement au milieu de la grange faisant dépasser largement sa partie supérieure et son col de cygne élégant. La machine est digne des romans de Jules Verne et donne à la pièce un cachet inimitable. C’est dans cet alambic traditionnel, alimenté au gaz, que Baptiste réalise la plupart de ses distillations. Il allume la bête fumante souvent très tôt le matin et la surveille patiemment jusqu’aux premières gouttes du précieux liquide. Une distillation complète peut prendre entre 8h et 12h selon la matière première.

En cette journée ensoleillée, l’alambic charentais est justement allumé depuis l’aurore. C’est dans la chaudière, partie basse juste au-dessus du feu, qu’est entreposé le jus fermenté (vin, bière, cidre ou autres matières premières), voulu toujours naturel et sans soufre par Baptiste ! Aujourd’hui, c’est de l’eau de vie de vin, à base de vin récupéré dans les domaines viticoles de la région, qui va être distillée sous nos yeux.

Après quelques heures de chauffe, la fumée s’échappe des naseaux du dragon cuivré et les premières vapeurs montent dans le chapiteau avant de passer le col de cygne (tube recourbé) pour finir leur course dans le refroidisseur, dernière pièce massive de l’alambic au bout duquel se dessine le bec de perroquet. C’est de ce bec de cuivre que sortent les gouttes puis les flots d’un premier liquide distillé issu directement du jus fermenté : c’est le brouillis. Mais le travail n’est pas pour autant terminé ! Ce brouillis est alors remis dans l’alambic pour une seconde « passe ». A la sortie du bec de perroquet cette fois-ci, lors de la repasse, sortent successivement plusieurs alcools que Baptiste surveille attentivement. D’abord viennent les « têtes de distillation » ou « âme » qui ne peuvent être gardés pour le produit final. Leur odeur entêtante d’acétone et d’alcool à brûler (le liquide fait 85° d’alcool !) est en partie toxique, mais n’importe qui saurait qu’il faut éviter de le boire tant les émanations sont désagréables. Après une première coupe qui permet de séparer ces têtes, l’eau de vie devient bonne, c’est la « bonne chauffe » et c’est là que nous commençons à nous projeter dans un joyeux moment de dégustation entre amis !

Baptiste procède alors à une seconde coupe lorsqu’il distingue, habilement suite à des années d’expériences, la fin de la bonne chauffe. Vient alors le dernier produit, une eau de vie devenant grasse et prenant un goût de carton moisi ou de poisson fermenté, qui ne sera pas gardée. Ce sont les « queues de distillation » qui terminent chaque distillation. : « Une des idées reçues est qu’on ne boit plus d’alcool de nos jours. C’est faux. On boit moins de vin et on a changé les modes de consommation, voilà tout. », nous raconte Baptiste, attaché à une consommation chaleureuse de ses alcools forts. « L’alcool est un prétexte à la convivialité. J’essaye de faire de beaux et bons produits pour des bons moments entre amis. », ajoute-t-il. Parce que ce qui nous marque aussi chez cet artisan, c’est son envie touchante de (re)créer des liens, de créer des moments propices aux échanges, en particulier dans ces milieux ruraux souvent injustement définis comme « paumés » et rudes.

Convaincu que l’entraide, l’échange et le fait-main sont les piliers d’un bien-vivre ensemble et d’une certaine opposition à la surconsommation, Baptiste a comme projet de faire de sa distillerie un lieu de « culture et de résistance » autour de l’art et du partage. C’est plusieurs fois dans l’année qu’il organise aux côtés des effluves fumées de l’alambic des conférences gesticulées sur des thématiques qui lui tiennent à coeur ainsi que des résidences d’artistes venus des quatre coins de la France.

Cohérent avec sa démarche de partage de connaissances, Baptiste et sa distillerie accueillent également le Centre de Formation à la distillation artisanale et rurale pour accompagner au mieux les nouveaux projets de distilleries ou de spiritueux. Chaque mois, de nouveaux passionnés arrivent de toute la France et même d’ailleurs pour se perfectionner, découvrir et se professionnaliser dans leurs pratiques de distillation (boissons alcoolisées mais également huiles essentielles !).

C’est avec un esprit critique et acéré, toujours emprunt d’humour, que Baptiste a également rédigé avec d’autres distillateurs le « Manifeste de la gnôle naturelle », manuscrit retraçant l’héritage, les fondements et les engagements des distillateurs « nature ». Ainsi, ils exposent avec fierté leur mode de fabrication en expliquant ce qui les distingue de l’industrie car, comme ils le disent si bien : « L’artisanat n’est pas un gage de qualité ni d’authenticité. Un artisan peut travailler de ses mains des plantes importées ou des matières industrielles voire chimiques. Artisanat ne veut pas dire « bio » ou « naturel » ».

Ainsi, la gnôle naturelle se définit par ces trois points primordiaux : le travail artisanal, des distillats propres, sans utilisation d’intrants et le respect de la nature. C’est alors dans le respect de ces principes que Baptiste propose à ses clients une belle gamme de produits artisanaux et naturels : de nombreuses eaux de vie (de bière (presque comme un whisky), de vin ou de riz), de la gentiane et même des rhums dont les mélasses en cours de fermentation inondent la distillerie de leur parfum divinement sucré !

Derrière l’alambic, une rangée de fûts se dessine dans le caveau. C’est dans ces fûts de chênes et d’acacias que sont vieillis les eaux de vie et les rhums de Baptiste, apportant ainsi des aromatiques bien différentes à chaque alcool, le tout sous le regard aiguisé d’Efaisto, le chat mascotte de la distillerie qui semble prendre son travail très à coeur. Ici, sur un fût servant de table d’appoint, Baptiste prend le temps de sentir, goûter et ajuster ses alcools régulièrement comme l’on contrôle des vins. Les arômes concentrés des fruits ressortent à merveille lorsque l’on hume l’intérieur des verres mais également en bouche, lorsque l’alcool sirupeux tapisse langue et palais.

Travaillé à la manière d’un élixir comme le ferait un alchimiste, le travail de distillation a des aspects presque magiques et fait l’éloge de la lenteur. Cette même lenteur qui permet en retour de récolter les bienfaits des plantes utilisées, lentement décomposées. Cette même lenteur toujours plus renforcée lorsque Baptiste travaille dehors avec son alambic à bois datant de 1919, de la marque Deroy, « la Deux-Chevaux des alambics » me précise t-il, des étoiles dans les yeux face à cette machinerie étonnante, presque fantastique.

Quand les conditions s’y prêtent, c’est en plein air que l’artisan travaille et réalise ses eaux-de-vie, après avoir patiemment allumé son alambic historique, surveillant heure après heure les feux sous les larges chaudrons. C’est un bond de plusieurs décennies en arrière que l’on fait lorsque l’on se retrouve face à cette machinerie Jules Vernesque qui glorifie le low-tech et la résilience, des principes chers au distillateur cantalou.

Générosité et passion sont les moteurs quotidiens de Baptiste qui s’applique à remettre au goût du jour les eaux de vie naturelles, des produits qui ont toujours été présents dans les placards de nos aïeux et que le jeune artisan souhaite retrouver sur nos tables pour des dégustations festives, comme on dégusterait un bon whisky et même, pourquoi pas, pour accompagner différents plats tout au long d’un repas !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

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