L’Aisne que l’on aime

Entre ses paysages verdoyants, son patrimoine architectural et ses savoir-faire agricoles et industriels, l’Aisne est un condensé de tout ce que l’on aime. Nous avons arpenté durant trois jours le Pays de Thiérache situé au nord-est du département, aux frontières des Ardennes, du Nord et de la Belgique. Nous y avons rencontré des habitants animés par une volonté enthousiaste de nous partager toutes les richesses de cette destination.

Une légende tenace fait de la Thiérache médiévale un pays couvert de forêts. Ce qui est certain, c’est qu’ici vous ne serez jamais en manque de nature. Et que dire du patrimoine architectural ! Des églises fortifiées qui parsèment le territoire, en passant par le familistère de Guise, le Pays de Thiérache nous en a mis plein les mirettes.

→ Jour 1 – Le Pays de Thiérache à coup de pédale

Un jardin enchanté à Proisy

Ce matin d’été, nous empruntons l’EuroVelo 3, une voie cyclable qui traverse l’Aisne d’Est en Ouest sur 140 kilomètres, pour rejoindre notre première étape : Le Jardin d’Hélène. Dès que nous franchissons les portes de ce jardin, nous sommes comme envoûtés par l’atmosphère paisible et contemplative qui y règne. Dans ce lieu imaginé par Hélène, chaque plante est cultivée et soignée avec amour et respect. Passionnée par les merveilles de la nature, l’infirmière de formation nous invite à remettre au goût du jour les connaissances ancestrales des plantes médicinales.

L’ancienne gare et halle à marchandise de Proisy, qui jouxtent le jardin, sont devenues le laboratoire d’Hélène. C’est ici qu’elle organise régulièrement des stages où l’on apprend à cueillir, toucher, sentir et cuisiner les plantes pour en révéler tous les bienfaits. Une expérience qui mêle la théorie et la pratique avec, par exemple, la préparation de plats originaux à partir d’ingrédients récoltés sur place. C’est d’ailleurs autour d’un délicieux repas concocté par Hélène et ses filles que nous découvrons toute la diversité des saveurs et des textures offertes par les plantes sauvages. Au menu : toast de consoude, velouté d’orties, quiche aux courgettes et aux roses trémières ou encore gâteau au chocolat à la tanaisie. Un régal pour les yeux et les papilles, et surtout, un moment de partage dont nous gardons un agréable souvenir.

Coup de coeur architectural à Guise

De retour à Guise, à vélo, pour la visite d’un monument unique en France : le Familistère de Guise. Également connu sous le nom de « Palais Social », cette cité ouvrière, construit à partir de 1858, est l’oeuvre de Jean-Baptiste André Godin. Avec ses 500 appartements, le lieu offrait un cadre de vie novateur aux travailleurs de l’usine de poêles en fonte de l’industriel Godin. Nous sommes accompagnés par Christian, un ancien habitant du Familistère, pour une visite mémorable.

« Des Familistères, il n’y en a qu’un ! », s’exclame Christian, fervent gardien de la mémoire du lieu. L’imposante structure à la brique rouge typique du nord est un exemple remarquable d’architecture industrielle du 19e siècle. L’histoire du Familistère est intimement liée à l’idée de créer une communauté harmonieuse où les travailleurs, vivant sous un même toit, pouvaient bénéficier de conditions de vie décentes et de services collectifs. Sensible à l’idée de la redistribution aux ouvriers des richesses produites, Jean-Baptiste André Godin s’est inspiré des travaux du philosophe Charles Fourier et de son concept du phalanstère, un ensemble de bâtiments à usage communautaire, pour dessiner les plans du Familistère de Guise.

Chacun des trois bâtiments du Palais Social (le pavillon principal et ses deux ailes) abrite des appartements à la lumière traversante qui gravitent autour d’un vaste atrium central. Les logements, de tailles différentes, sont attribués aux ouvriers de l’usine Godin en fonction de la taille de leur famille, et non de leur hiérarchie dans l’entreprise. La construction du Familistère s’est étendue sur plusieurs décennies, avec l’ajout progressif d’infrastructures tels qu’une école, une piscine, une bibliothèque, un théâtre et même une nourricerie-pouponnat pour permettre aux femmes de travailler comme les hommes.

Aujourd’hui, seuls quinze appartements sont toujours habités dans le pavillon central. Le site, désormais classé monument historique, fait l’objet d’un programme de réhabilitation porté par le département de l’Aisne pour « ramener de la vie au Familistère » avec des logements, des évènements culturels ou encore un musée.

La visite de ce chef d’oeuvre architectural nous a complètement subjugués. Pour nous remettre de nos émotions, nous profitons d’un goûter au Chevalier Baltazar, un café-brocante au centre-ville de Guise. Ici, tout est à vendre ! Des pâtisseries faites maison à la chaise sur laquelle vous êtes assis. « C’est un lieu hybride que les gens s’approprient. », raconte Jérôme, le gérant, derrière le comptoir. Ce passionné d’histoire, restaurateur de cadrans solaires à ces heures perdues, a plus d’une anecdote dans son sac sur Guise et ses environs. Ouvert du jeudi au samedi, le lieu affiche régulièrement complet : « Tout est fait maison, quand il n’y en a plus, il n’y en a plus. » Par chance, nos avons pu nous délecter des dernières parts de gâteaux !

→ Jour 2 – Une journée dans le bocage thiérachien

Déguster le plus fin des fromages forts à Haution

Après une bonne nuit de sommeil au Domaine de Ribeaufontaine, nous reprenons la route en direction d’Haution. Sur le chemin, nous passons devant l’église fortifiée Saint-Nicolas d’Englancourt qui offre un sublime panorama sur le bocage thiérachien.

Ce matin, nous avons rendez-vous à la Ferme de la Fontaine Orion pour assister à la fabrication d’un fromage emblématique de la région : le Maroilles. Créé au 10e siècle par un moine de l’Abbaye de Maroilles, le « roi des fromages du Nord », uniquement fabriqué en Thiérache, se distingue par sa pâte molle, sa croûte de couleur rouge orangée, sa forme carrée et ses arômes puissants au nez et en bouche. Il est protégé par une Appellation d’Origine Protégée (AOP) depuis 1996, un label de qualité qui garantit le respect scrupuleux des méthodes de fabrication traditionnelles.

Le Maroilles « Claire Halleux » est le seul Maroilles en Thiérache de l’Aisne à pouvoir bénéficier de l’appellation « Fermier ». Cela signifie qu’il est fabriqué à partir de lait cru produit à la ferme. Ici, on travaille en famille et ce depuis deux générations. En janvier 2023, Aurélie Halleux, ancienne conductrice de travaux en génie civil, a opéré « un virage à 180º » pour reprendre la fromagerie jusque-là gérée par sa tante Claire, et son oncle Vincent.

Nous rejoignons Aurélie dans l’atelier de fabrication où la petite équipe s’affaire à la mise en moule du caillé. Car si les labos se sont modernisés, la tradition du « fait main » demeure : séparation du caillé et du petit lait, moulage, saumurage ou encore brossage au sel tous les deux jours en caves d’affinage. À la Ferme de la Fontaine Orion, la magnifique cave voûtée en briques rouges a des airs de caverne d’Ali Baba. « C’est cette cave qui donne cette typicité à nos Maroilles. Ils sont affinés 28 jours minimum, c’est la règle, mais on pousse parfois l’affinage pour sortir des fromages différents. Je ne vous en dirai pas plus ! », confie Aurélie.

Surnommé le plus fin des fromages forts, le Maroilles se déguste généralement au petit déjeuner sur une tartine de pain que l’on trempe dans son café pour adoucir le goût. Une tradition qui n’est pas sans rappeler une scène mythique du film Bienvenue chez les Ch’tis ! Avant de reprendre la route, nous passons à la boutique attenante à la ferme où l’on retrouve une palette de produits autour du Maroilles : le quart (180 g), le mignon (360 g), le sorbet (540 g), le pavé (720 g) mais aussi la tarte au Maroilles, le « dauphin » (un Maroilles à l’estragon) ou encore la crème de Maroilles.

Cette visite ayant ouvert notre appétit, nous nous arrêtons au restaurant L’Ermite à Saint-Algis pour savourer un déjeuner bien mérité. Cette fermette de campagne propose une cuisine raffinée à base de produits frais et locaux dans un cadre champêtre. Une très bonne adresse qui se situe, elle aussi, sur l’itinéraire de la Scandibérique.

Explorer le bocage thiérachien en canoë depuis Autreppes

Après le vélo, place au canoë ! Visiter la Thiérache, c’est s’offrir un large choix d’activités en pleine nature. L’embarquement se fait au Club Canoë d’Autreppes sous un ciel bleu azur et dans un cadre verdoyant. Un courant paisible nous porte entre deux coups de pagaie, l’occasion de lever les yeux et de contempler l’environnement qui nous entoure.

Au fil des méandres de l’Oise, de larges prairies se mêlent aux forêts d’aulnes et de saules. Les églises fortifiées de la Thiérache nous dominent au loin et semblent comme figées dans le temps. Les canards et poules d’eau volent en rase motte à notre passage et quelques vaches profitent de la tranquillité des berges. Dans son journal de voyage, l’aventurier Robert Louis Stevenson, qui a descendu cette rivière en canoë, écrivait : « L’air était pur et doux parmi tous ces champs verts et toutes ces choses vertes qui poussaient […] nous nous embarquâmes au bord d’une petite prairie, en face d’un moulin, le soleil perça les nuages et fit resplendir toutes les feuilles dans la vallée de l’Oise, nature qui frappe davantage l’oeil de l’homme. »

Une nouvelle journée s’achève en Thiérache avec son lot de découvertes et de rencontres. Nous rejoignons le Domaine des lumières où nous passerons la nuit, dans l’attente impatiente du lendemain.

→ Jour 3 – Le Pays de Thiérache, terre d’histoire

Des vins fruités et fleuris à Malzy

Ce n’est pas l’heure de l’apéritif mais cela en a tout l’air ! Ce matin, c’est chez Vincent Moray que nous avons rendez-vous, pour une découverte des vins artisanaux qu’il élabore et commercialise sous la marque évocatrice de La Belle Jeanne. À l’aubépine, à l’acacia, aux feuilles de sureau, au laurier, à la noix, à la mirabelle ou encore aux fleurs de pommiers… Cela fait maintenant deux ans que cet apéritif est né au cœur de la Thiérache, dans une ancienne ferme de Malzy. La Belle Jeanne fait référence aux dames-jeannes, ces imposantes bonbonnes de verre qui renferment les précieux breuvages de la famille Moray : « Elles étaient autrefois utilisées par nos anciens pour la confection des vins artisanaux. Notre nom et notre logo reflètent notre amour pour la forme et le charme de ces bouteilles », explique Vincent.

C’est en janvier 2022 que Vincent, le père et Gauthier, le fils, se lancent dans cette aventure familiale : « La crise sanitaire nous a donné l’opportunité de donner une dimension commerciale à ces breuvages. Mais cela fait au moins 12 ans que j’élabore ces apéritifs traditionnels et artisanaux à base de vins et de fleurs, de feuilles ou de fruits de la région. », se souvient Vincent. Il a ainsi fallu tout apprendre, de la formation à l’achat de matériels, en passant par la sécurisation de la production dans l’ancienne grange réaménagée pour l’occasion.

Devant nous, de somptueuses dames-jeannes de 34 et 54 litres, fièrement juchées sur leurs étagères. Sur les étiquettes, rien d’autres que du sucre, des fruits, des fleurs ou des feuilles et un ou plusieurs vins : « Les mélanges macèrent entre trois semaines et six mois selon leur composition, comme des infusions. Il n’y a pas de fermentation puisque nous incorporons, à la main, du vin cultivé en Touraine avec très peu de sulfites. Quant aux fruits, feuilles et fleurs, on cueille, à la main, l’aubépine chez nous, l’acacia dans des communes environnantes, les feuilles de sureau dans l’allée de notre voisin, le laurier dans le jardin de mes grands-parents et les noix chez un ami. Seules les mirabelles proviennent d’une coopérative de Lorraine », détaille Vincent. Nous n’en saurons pas plus car le secret de fabrication est là aussi bien gardé !

Au total, Gautier et Vincent ont déjà testé treize recettes, parmi lesquelles huit sont commercialisées dans une dizaine de points de vente dans les Hauts-de-France et lors des foires, salons et marchés. Nous clôturons la visite par une dégustation qui réveillera nos papilles. À consommer avec modération bien entendu !

Remonter le temps à Plomion

Entre le milieu du 16e à la fin du 17e siècle, une soixantaine de forts d’églises se dressent en Thiérache, une région frontalière marquée par les soubresauts des conflits franco-espagnols, la guerre de Trente Ans et les nombreuses guerres de religions. Ces églises fortifiées, qui parsèment le territoire, nous ont accompagnés durant toute notre vadrouille dans l’Aisne. Elles ont été conçues non seulement pour servir de lieux de culte, mais également comme des refuges en cas d’attaques et de conflits. Décidés à en savoir plus sur ces édifices impressionnants, nous nous rendons à Plomion où le maire du village, René Blary, nous attend pour nous ouvrir les portes de la forteresse de la commune : Notre Dame de l’Assomption.


Fraîchement restaurée grâce au soutien de la Fondation du Patrimoine, l’église fortifiée Notre Dame de l’Assomption se distingue par son impressionnant arsenal défensif, comprenant une tour-donjon, des tourelles, des échauguettes et un ensemble impressionnant de plus de 60 meurtrières, dont 42 rien que sur le donjon. Les traces d’arquebuses ou de mousquets encore visibles sur les briques rouges des tours, témoignent des conflits passés ayant émaillé l’histoire de Plomion. La tour-donjon donne accès à différents niveaux avec des salles de refuge et des salles de garde. « La présence d’une grande cheminée dans la salle des gardes témoigne de l’organisation des habitants pour s’alimenter pendant les sièges. », explique le maire.

L’histoire mouvementée de la Thiérache a laissé un patrimoine architectural unique encore visible aujourd’hui. De nombreuses animations telles que des concerts ou des expositions sont régulièrement organisées dans ces églises fortifiées pour les découvrir sous un autre regard.

Parfondeval, l’un des « plus beaux villages de France »

Dernière étape de notre vadrouille dans l’Aisne : Parfondeval, classé parmi les plus beaux villages de France. La visite se fait sous la houlette de Luc Vitaux, membre de l’association des amis de Parfondeval. À notre arrivée, nous avons été immédiatement charmés par l’atmosphère à la fois paisible et authentique du lieu. Le bourg d’une centaine d’habitants a su préserver son patrimoine qui témoigne, une fois de plus, de la richesse historique de la région. « Il y a une véritable fierté des habitants pour le patrimoine architectural et naturel du village, chacun participe à le préserver. », raconte Luc. À chaque coin de rue, une surprise se dévoile : ici, une grande place ornée d’une mare comme on en voit rarement, là, de rosiers en fleurs, qui embrassent les rebords des fenêtres. Tout autour de nous, les maisons en briques, torchis, ardoises ou bois, ou encore le lavoir et sa pompe à eau semblent comme figés dans le temps.

Parfondeval possède aussi un riche patrimoine religieux, avec l’église fortifiée de Saint-Médard (une de plus !), construite au 16e siècle, et un temple protestant : « Autrefois, deux communautés coexistaient, les catholiques et les protestants. Les catholiques vivaient dans le haut du village et les protestants dans le bas. », explique Luc. Lors de notre découverte du village, nous avons également été frappés par l’omniprésence de la nature qui semble tenir tête à l’urbanisation croissante ! « Une zone humide a été créée à la sortie de la commune, il y a cinq ans. Celle-ci réunit trois petites mares et permet une belle randonnée en passant par le sentier du Triton. » Le point d’orgue de notre visite fut la rencontre avec Françoise, qui, avec son défunt mari, a créé un musée des outils d’antan. Le lieu abrite une collection impressionnante de près de 2000 outils utilisés dans la vie quotidienne rurale et agricole au début du 20e siècle.

Notre vadrouille dans le Pays de Thiérache touche à sa fin. Chaque moment passé ici a révélé la profondeur et l’authenticité de cette destination qui nous était jusqu’à maintenant inconnue. L’accueil chaleureux de ses habitants, fiers de leur patrimoine, a su capturer nos cœurs et nos esprits. Nous emportons avec nous des souvenirs inoubliables et le désir ardent de revenir explorer davantage les trésors de l’Aisne que l’on aime.

Pour en savoir plus

    En collaboration avec

    Aisne Tourisme & l’Office de Tourisme du Pays de Thiérache

    Entre l’Ile de France et la Belgique, entre les grandes plaines picardes et champenoises, l’Aisne est une immensité verdoyante 100% nature où coulent de nombreuses rivières.

    Paysages, de vallées de plateaux, de monts, s’y succèdent-ils sans jamais se ressembler. Les villes de l’Aisne sont restées à taille humaine avec leurs véritables curiosités touristiques. Elles sont, avec une multitude de trésors architecturaux parsemés dans la campagne, des livres ouverts sur une histoire très riche.

    L’Aisne offre une palette de terroirs, creusets pour la découverte de pratiques paysannes et artisanales originales et pour la dégustation de spécialités allant du champagne au cidre, du haricot au maroilles. C’est aussi le lieu idéal pour une randonnée pédestre, une balade pour finir de se dépayser totalement.

    https://www.jaimelaisne.com/

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