Patrimoine de caractère

Au sud de l’Aubrac, entre la Lozère et l’Aveyron, sont regroupés cinq Petites Cités de Caractère®. Engagées à entretenir leur héritage culturel et à le valoriser auprès des habitants et des touristes, ces cités pittoresques témoignent d’une vie contrastée, rythmée par les saisons. Reportage au cœur de ces villages, entre héritage et avenir.

Cela fait déjà un moment que l’on roule. Sur notre chemin, nous traversons les hauts plateaux calcaires quasi désertiques du Parc naturel régional des Grands Causses. On ne peut s’empêcher de s’émerveiller face à la beauté désertique de ces puechs, combes et petites vallées à l’herbe aux reflets dorés. Notre route continue et nous fait plonger au milieu des impressionnantes et poétiques Gorges du Tarn, canyon creusé par la rivière éponyme, parmi les plus hauts de sa région. Au fur et à mesure de la descente, on se sent de plus en plus petites et intimidées par la beauté et la force du paysage. Le soleil se couche lentement dans le canyon, et notre virée se poursuit le long de la rivière, au confluent du Tarn et de la Jonte, jusqu’au village entre pierre et eau de Peyreleau.

Peyreleau

Comme une injonction à prendre son temps, le bourg ne se visite qu’à pied. Idéal pour profiter du charme de cette Petites Cités de Caractère®, aux maisons de pierres blanches qui paraissent tout droit sorties d’un conte des frères Grimm. Le four à pain, le château de Triadou ou encore la tour carrée semblent être les témoins d’un temps passé. Même situé en fond de vallée, Peyreleau donne l’impression de dominer le paysage alentour. Alors que la faim se fait sentir, on part dîner à l’Auberge de Peyreleau, tenue par Maxime. Malgré son jeune âge, il est le pilier de la vie sociale au village. « On accueille toute l’année, en pleine saison on sert tous les jours, mais l’hiver, l’ensemble des commerces sont fermés, alors on ouvre les week-ends pour entretenir le lien social. »

C’est vrai qu’au cœur de ce charmant village, la quiétude règne, mais les commerces se font rares. Tel un ballet saisonnier, les villages suivent souvent le tempo des saisons, accueillant foule à l’arrivée de l’été, pour se retrouver paisiblement désertés une fois l’hiver venu. Au-delà de la vision bucolique estivale, la réalité de ces bourgs, c’est le déclin de leur population partie rejoindre les grandes villes, plus attractives. Autrefois centres administratifs, politiques, religieux ou commerciaux, ces lieux de vie ont souvent vu leurs fonctions urbaines se réduire, sinon leur être retirées, après les révolutions industrielles françaises. Mais compter moins d’habitants signifie aussi perdre des clients et voir de nombreux commerces baisser définitivement le rideau. 

Saint-Geniez-d’Olt-et-d’Aubrac

À 44 kilomètres de Peyreleau, dans la ville de Saint-Geniez-d’Olt-et-d’Aubrac, le constat est frappant. C’est ici que l’on croise la route de Françoise, Jacqueline et Marie-Thérèse, occupées à papoter sur un banc à côté de l’église. Les trois femmes semblent désabusées, nostalgiques d’un temps passé non retrouvé. « La mondialisation a contribué à la disparition de nombreux commerces, usines et savoir-faire traditionnels. Avant, beaucoup travaillaient à la mine ou à l’usine de draps d’à côté. Puis tout ça a fermé, les gens du coin ont peu à peu déserté la ville. Aujourd’hui, les maisons sont rachetées comme résidences secondaires. On ne connaît plus nos voisins. Heureusement pour nous, il reste quelques anciens sur qui l’on peut compter… »

Des repères bousculés et un isolement grandissant, la vie est devenue compliquée pour les plus anciennes générations dépassées par tant de bouleversements. La rencontre avec ce trio nous rappelle l’importance de préserver les traditions locales et le tissu social du voisinage. Malgré les défis imposés par la mondialisation, il paraît nécessaire de trouver des moyens de valoriser l’histoire et le patrimoine de ces villages, pour construire un avenir qui préserve leur identité unique et renoue avec un sentiment de solidarité entre générations. Un appel à l’action pour sauvegarder ces lieux riches d’histoire, de mémoire et de chaleur humaine.

Soutien et solidarité

Chez Capoulade café, Nathalie, qui court dans tous les sens pour servir la terrasse pleine à craquer, tient un tout autre discours que celui de notre triplette : « On a plein de jeunes qui viennent s’installer à Saint-Geniez-d’Olt pour monter des affaires, et il y a énormément d’entraide. Un Américain est venu jusqu’ici monter sa brasserie, et un autre jeune se lance dans l’agriculture raisonnée. » Et si la jeunesse est de retour, c’est en partie grâce à la labellisation de la ville comme Petites Cités de Caractère®. Une reconnaissance qui motive les communes à améliorer la qualité de vie des habitants en favorisant le dynamisme commercial et en renforçant l’attrait touristique, tout en profitant d’abord aux résidents. Ainsi sensibilisé à son patrimoine, chacun peut s’approprier l’héritage culturel et devenir un acteur essentiel de sa préservation et sa transmission.

Villecomtal

Un constat qui se confirme non loin de là, dans le village labellisé de Villecomtal, où Alain et Valérie, qui ont repris l’hôtel-restaurant du village huit ans plus tôt, vantent le dynamisme du bourg : « C’est un village très vivant ! On a énormément d’associations, et de nombreuses manifestations sont organisées tout au long de l’année. Notamment « la rue à tire l’aligot », pour laquelle on installe une grande table qui accueille 400 personnes dans la rue principale, et où l’on mange tous ensemble un aligot. C’est vrai que l’hiver c’est plus dur, mais tout le monde s’entraide et l’on se sent écoutés par la municipalité, c’est agréable ! »

La Malène

Au milieu de ce nouvel engouement pour les modes de vie ruraux, la commune de La Malène se distingue par son dynamisme et son esprit d’entraide. C’est là que nous rencontrons Léana, une jeune doreuse et relieuse qui vient de reprendre un atelier dans le village. Pour elle, La Malène est bien plus qu’un simple lieu de résidence : « Il y a une véritable transmission de savoir-faire entre les anciennes et les plus jeunes générations. C’est un village vraiment dynamique, on est une cinquantaine à y vivre toute l’année, tout le monde se connaît et s’entraide, je me sens bien ici. » Ce sentiment d’appartenance et de convivialité est d’autant plus précieux depuis la crise Covid, qui a renforcé le besoin de trouver refuge dans des lieux offrant calme, sérénité et connexion avec la nature et l’humain, loin de l’agitation de nos vies trépidantes.

Patrimoine et attractivité

Sévérac-le-Château

Des initiatives pour redynamiser le village et créer du lien, il y en a aussi à Sévérac-le-Château. En rejoignant les hauteurs de cette ville perchée sur une colline, qui tire son nom du majestueux château dominant la vallée, on découvre une commune qui mise sur son riche héritage pour raviver l’essence de son passé. Le cœur de la ville bat au rythme des manifestations, telles que des concerts et spectacles, avec les artisans qui s’unissent autour du thème médiéval. En parcourant les pittoresques ruelles en calade, on se laisse conter l’histoire de la maison de Jeanne, l’une des plus anciennes d’Aveyron, ainsi que celle des Consuls, qui trône au cœur de cette cité médiévale admirablement préservée. Pour donner vie aux rues tout au long de l’été, les boutiques s’ouvrent à des artistes, artisans et producteurs, offrant des expositions éphémères qui enrichissent l’ambiance chaleureuse et créative de la ville. « On a une clientèle locale et fidèle, les habitants sont heureux de voir venir chaque été des artisans, ça permet aussi à ceux qui vivent en dehors de la cité médiévale de la découvrir », nous affirme Marie-Hélène, commerçante de bijoux. Un bel exemple de renouveau, où le patrimoine et la passion se conjuguent pour insuffler une énergie nouvelle, qui unit les générations et crée une atmosphère conviviale et animée tout au long de l’année.

Une restauration du patrimoine et un développement des commerces qui vont de pair avec l’objectif des Petites Cités de Caractère®. Le label vise à réunir les acteurs locaux pour préserver les richesses culturelles et encourager le développement des régions. Mis en place dans les années 70, à une époque où patrimoine et modernité étaient encore souvent mis en opposition, cette distinction veut protéger l’héritage des petites villes. « Pour nous, être labellisé Petites Cités de Caractère® permet de mieux nous faire connaître en tant que ville qui prend soin de son patrimoine », confie un habitant de Sévérac-le-Château. Une mise en avant qui offre de belles opportunités pour développer le tourisme local et dynamiser l’économie de la région. 

En parcourant ces terres chargées d’histoire, on constate combien la labellisation et la passion des habitants pour leur héritage rendent ces villages vivants. Au-delà de leur beauté estivale, ces lieux préservent leur identité et contribuent à forger des liens entre les générations, laissant entrevoir un avenir rayonnant pour ces joyaux du patrimoine.

Un reportage à retrouver en intégralité dans Bobine n°3 – Périphérie.

    En collaboration avec

    Petites Cités de Caractère®

    Répondant aux engagements précis et exigeants d’une charte de qualité nationale, ces cités mettent en œuvre des formes innovantes de valorisation du patrimoine, d’accueil du public et d’animation locale. C’est tout au long de l’année qu’elles vous accueillent et vous convient à leurs riches manifestations et autres rendez-vous variés. Vous y êtes invités. Prenez le temps de les visiter, de franchir les portes qui vous sont ouvertes et d’y apprécier un certain art de vivre.

    https://www.petitescitesdecaractere.com/

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