Vivre Ouessant

À vingt kilomètres du continent, Ouessant se dresse comme un monde à part. Ici, c’est la mer qui commande. Elle cerne l’île de toutes parts, dicte les départs et façonne les retours. Dernier bastion avant l’Amérique, Ouessant n’est pas une île que l’on visite à la légère : il faut s’y frotter, s’y perdre un peu, s’y laisser guider par celles et ceux qui l’habitent pleinement et invitent à la goûter, à la comprendre, à la ressentir. C’est cela finalement, vivre Ouessant.

Il est 8h30. Le Fromveur II, bateau de la compagnie Penn Ar Bed, quitte le port de Brest sous les premières lueurs du soleil. La mer, d’un bleu profond, s’étire paisiblement sous la coque : pas une vague ne trouble la traversée. À l’approche d’Ouessant, les phares apparaissent comme des sentinelles dressées au-dessus de l’écume. L’île se révèle peu à peu, brute et lumineuse.

À peine débarqués au port du Stiff, Olivier Nedellec nous accueille avec un large sourire, « Bienvenue à Ouessant ! », lance-t-il. Propriétaire du restaurant Y’a Skiff depuis trois ans, il forme avec sa compagne Séverine un duo chaleureux. Pendant deux jours, ils seront nos repères et nos éclaireurs sur cette île d’à peine 1 500 âmes. Mais avant de goûter aux saveurs de l’île, il fallait d’abord l’écouter. Aller à la rencontre de celles et ceux qui, au quotidien, en font battre le cœur.

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→ Jour 1 – Entre terre et mer

À coeur ouvert au port de Lampaul

Nous arrivons au bourg de Lampaul. Le pas ralentit naturellement en traversant la place : un coup d’œil à l’église, aux petits commerces, aux maisons en pierre… Plus bas, déjà, le port se devine, guidé par l’odeur iodée. En descendant vers le quai, on imagine qu’autrefois, les départs y étaient plus nombreux que les retours.

C’est là qu’apparaît Ondine, bottes aux pieds, en train de débarquer la pêche du jour avec Jean-Denis, son compagnon. Leur ligneur, le Finis Terrae, mouille au large ; l’accès au port se fait désormais en petit bateau à moteur. Dans les caisses, quelques lieus et homards fraîchement pêchés : « Chaque poisson est remonté à la main, saigné sur le pont et vendu quelques heures plus tard. », dit-elle simplement, en posant une caisse sur le quai. À cet instant, Ondine est pleinement pêcheuse. Le geste est précis, la voix posée, le regard franc. Une femme de mer. Et de terre.

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On la retrouve plus tard sur la place du village, à quelques pas seulement de la crêperie d’Olivier, une autre institution locale. Ondine y tient son étal de vente directe. Les bacs bleus alignés, les filets, la balance. Les passants s’arrêtent, échangent, plaisantent. Elle connaît tout le monde. Mais c’est dès que la conversation glisse vers l’île, ses origines, ses récits, qu’Ondine se métamorphose en guide. Son autre métier. Ou plutôt, l’autre facette d’un même engagement : « Ouessant ne se traverse pas, elle s’apprivoise. C’est une île faite d’histoires, de secrets, de légendes. »

Et alors elle raconte. Les phares, cinq sentinelles qui entourent l’île et dont les lumières percent les brumes durant les nuits sombres. Elle parle aussi de la mer. Cette mer pour seul horizon qui nourrit et effraie à la fois : « Elle est tout. Elle prend et elle donne. c’est notre plus grande richesse et notre plus grand danger. » Et cette île ? L’île est mémoire. Celle des femmes, surtout. Pendant des siècles, ce sont elles qui ont maintenu Ouessant debout, quand les hommes, marins au long cours, prenaient la mer pour ne revenir que bien plus tard : « Il n’y a pas d’île aussi marquée par la présence féminine. Elles ont cultivé, réparé, éduqué. Elles ont bâti une société d’entraide, de rigueur. » Loin du folklore, Ondine redonne chair à ce que fut cette « île aux femmes », où les mères, les sœurs, les veuves tenaient la vie.

Et si elle en parle si bien, c’est qu’elle en est l’héritière. Née ici, partie étudier sur le continent, elle est revenue, volontairement, pour reprendre le fil : « J’avais besoin de comprendre d’où je venais. D’habiter vraiment ce territoire. » De là est née Kalon Eusa – le cœur d’Ouessant –, sa structure de visites guidées aux mille formes : découverte de Lampaul, traditions insulaires ou encore contes et légendes. Toujours en prise directe avec l’environnement et la culture de l’île. Toujours dans une forme de transmission : « On ne visite pas Ouessant comme on visite un musée. Il faut s’ouvrir à elle. »

Dans ce qu’elle raconte, l’histoire de l’île rejoint sa propre trajectoire. Quand elle a choisi de devenir pêcheuse, aux côtés de Jean-Denis, il a fallu repartir de zéro. Apprendre le métier au Guilvinec, se faire une place dans un univers encore largement masculin : « La mer, c’est mon deuxième terrain. J’aime le silence qu’on y trouve. Et ce que cela m’apprend sur moi-même. » Leur pêche est sobre, respectueuse. Ici, pas de chalut, uniquement des cannes, des lignes et quelques casiers. Une logique de saison, de marée, de patience, et un respect pour les cycles du vivant : « On ne prend que ce que la mer veut bien donner. », résume Ondine.

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Ouessant semble respirer à ce rythme-là. De la pointe de Penn Arlan aux falaises de Kadoran, des criques turquoise de Porz Doun aux extrémités battues par les flots de Pern, l’île s’offre à qui veut bien ralentir : « Ce que j’aime ici, c’est que si vous enlevez les balises, les phares, les quelques habitations, le paysage est le même qu’il y a 5 000 ans. », observe-t-elle. Nous la quittons face à la mer, les yeux tournés vers l’horizon, avant de reprendre notre chemin. Une autre voix de l’île nous attend, à quelques pas du bourg de Lampaul.

Effusion d’arômes à la distillerie d’Ouessant

À Ouessant, les femmes tiennent bon le cap, avec un engagement qui suscite souvent l’admiration. Joëlle Lalbin fait aussi partie de celles-là. Elle nous donne rendez-vous devant un long bâtiment de granit, à l’entrée du bourg. Ancienne caserne militaire du 18e siècle, désormais distillerie insulaire. Un projet improbable, mais bien réel. Et entre les murs de cette bâtisse, c’est elle qui veille au grain.

Joëlle n’est pas née ici. Elle est venue pour les oiseaux. Elle avait lu qu’Ouessant se trouvait sur un grand couloir migratoire, un de ces points de passage privilégiés pour les espèces rares et les grands voyageurs à plumes. Elle est venue une fois, puis deux, et s’est laissée happer : « Je m’étais dit : un an, deux peut-être… Ça fait presque trente ans que ça dure. » Ce qui l’a retenue, ce n’est pas seulement la beauté farouche de l’île, ni la présence silencieuse des oiseaux de mer. C’est la manière de vivre, la simplicité des liens humains : « Ici, les gens se parlent. Pas toujours avec douceur, mais toujours avec franchise. Et dans les moments cruciaux, on est là les uns pour les autres. »

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Dans son ancienne vie insulaire, Joëlle a déjà été pompière volontaire, présidente de l’office de tourisme, artisane imprimeuse… Une sorte de couteau suisse, précieuse pour la vie locale. Et quand l’idée folle d’implanter une distillerie à Ouessant est née autour d’un repas partagé par quatre amis passionnés de whisky, c’est vers elle qu’ils se sont tournés pour prendre les rênes du projet sur place : « Ils m’ont dit : on a besoin de quelqu’un de confiance, quelqu’un d’ici. Moi, je n’y connaissais rien à la distillation. Mais j’ai dit oui. »

Elle s’est formée, elle a appris, elle a goûté, testé, recommencé. Aujourd’hui, c’est elle qui pilote la production. Le whisky, bien sûr, mais pas seulement. Car avant de pouvoir en servir un verre, il faut attendre. Trois ans, au minimum. Alors pour faire vivre le lieu et commencer à tracer une identité, elle distille du pastis. Oui, du pastis, à Ouessant ! Une étrangeté à première vue, mais qui prend tout son sens quand elle parle des plantes sauvages présentes en abondance sur l’île : « Chaque recette raconte Ouessant mais je ne vous en dirai pas plus ! » Le résultat est doux, végétal, étonnamment lumineux.

Ce n’est pas une distillerie comme les autres. Ici, on fait les choses lentement, patiemment, avec l’idée de poser les bases d’un projet durable, enraciné : « Une distillerie, ce n’est pas quelque chose qu’on monte pour dix ans. C’est un projet de long cours, un héritage ». L’idée, à terme, est de produire un whisky 100 % ouessantin. Les premiers fûts vieillissent déjà dans la fraîcheur d’un chai. Pourquoi ne pas rêver alors de matières premières cultivées sur l’île ? « Avant, toute l’île était agricole. On peut retrouver ça, même un peu. Ça a du sens. »

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Dans la distillerie, elles sont deux à travailler, deux femmes : « Un clin d’oeil à l’histoire de l’île. », glisse Joëlle, qui ne cherche surtout pas la lumière. Elle préfère le silence des gestes bien faits, la rigueur d’un métier appris sur le tas, la fierté discrète d’un projet qui prend racine. En quittant la distillerie, on sent encore ces effusions d’arômes, et peut-être aussi quelque chose de plus rare : la sensation que certaines histoires, quand elles sont portées par des femmes de cette trempe, finissent toujours par trouver leur place.

→ Jour 2 – Ouessant à pleines dents

Un petit-déjeuner à la maison d’hôtes insulaire Aod

Le jour s’étire doucement sur les hauteurs de Lampaul. On se retrouve autour d’un petit déjeuner avec Elen Etienne, dans son accueillante maison d’hôtes insulaire Aod. Café fumant, pain tranché, tomme d’Ouessant et beurre salé (évidemment !), la conversation glisse doucement entre souvenirs d’enfance et vie insulaire.

Elen est revenue vivre à Ouessant à 26 ans. Elle y avait passé ses étés, grandi entre journaux, romans et cartes postales, dans la petite librairie de sa mère. « Ouessant Presse », installée aujourd’hui sur la place de l’église, était d’abord un simple dépôt de presse. Sa mère, venue s’installer sur l’île dans les années 80, a voulu en faire un vrai lieu de culture. Alors Elen a grandi là, entre les rayons, à faire ses devoirs au comptoir, à regarder passer les saisons.

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« On sortait de l’école, on jetait nos cartables dans les magasins, on prenait une serviette, on allait à la plage. » Avril sur le port de Lampaul, mai à Cors. Une enfance dans un monde où « la nature vous déborde », où les rochers vous rappellent à votre place, et où « il faut rester centré pour ne pas se faire écraser par la beauté du paysage ». Elle raconte cette île où elle a choisi de revenir non pas pour retrouver ce qu’elle avait quitté, mais pour vivre autrement. Là où on ne ferme pas sa maison, où on laisse les clés sur la voiture, et où, toujours, on fait attention les uns aux autres.

Autour du café, elle remonte le fil du temps. De Charles Cottet à Miossec, d’Utrillo aux Surréalistes, de Tournemire à Olivier Py ou Yann Tiersen, Ouessant a toujours attiré les artistes. Une île regardée tour à tour comme un monde à part, un bout du monde sauvage, un paradis isolé. Et pourtant, une île qui a toujours été habitée, fréquentée, explorée. Pythéas, déjà, l’avait nommée Ouxizama.

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Jusqu’à la fin des années 60, Ouessant vivait en quasi-autarcie. Un seul bateau par semaine, quand le temps le permettait. On cultivait, on moulait son propre grain dans de petits moulins. L’agriculture était celle des femmes, les hommes embarqués dans la marine de guerre, puis la marine marchande. Et aujourd’hui ? L’agriculture revient par petites touches, portée par de nouveaux visages. Elen cite Marie et Thomas, éleveurs, et Vincent, maraîcher. Des installations précieuses, qui redonnent du sens et du lien : « Voir la vache dans le champ, le fromage fabriqué à la main, vendu au marché… C’est génial. » Cette micro-économie, très locale, reconnecte l’île à ses racines.

Échanger avec Elen, c’est entrer dans la mémoire vivante d’Ouessant, dans ses contrastes, sa fierté, son rythme. Une belle entrée en matière pour la journée qui s’annonce. Aujourd’hui, cap sur de nouvelles rencontres. Nous croquerons l’île à pleines dents : d’abord avec Vincent Pichon, le seul maraîcher de l’île, puis sur la ferme de Marie et Thomas Richaud, un couple d’éleveurs devenu incontournable grâce à leur beurre et leur tomme de vache. Enfin, c’est à la table de Y’a Skiff, chez Olivier et Sévérine, que nous savourerons nos derniers instants ouessantins.

Les pieds sur terre au lieu-dit Saint Michel

Sur Ouessant, l’agriculture semblait avoir déserté à jamais. L’herbe gagnait du terrain, les paysages se fermaient, et l’alimentation des habitants dépendait presque entièrement du continent. Mais depuis quelques années, Vincent, Marie et Thomas ont décidé de faire mentir cette disparition. Ce sont des têtes dures et des cœurs entiers, qui ont trouvé ici non pas un refuge, mais un champ d’action.

Nous retrouvons d’abord Vincent, au lieu-dit Saint Michel, à quelques encablures du bourg de Lampaul. Il nous accueille les bottes encore humides, un sourire franc sous la casquette. Depuis cinq ans, il cultive une terre rugueuse mais généreuse, à force de soins et de patience. Vincent a la gueule des métiers de dehors et des mains taillées dans le travail. Il parle franc et ne cherche pas à enjoliver : « On est plusieurs à partager ce mode de vie un peu à contre-courant. Travailler beaucoup pour pas grand-chose, mais dans un cadre magnifique. Et avec de l’entraide, heureusement. » Un rire s’échappe. Il sait ce qu’il fait ici. Il n’est pas venu chercher une vie facile, mais une vie qui a du sens.

Son histoire se lit dans les gestes : précis, calmes, ancrés. « J’ai grandi dans le Finistère, au bord des Abers, les pieds dans l’eau. J’ai commencé par la pêche, mais j’ai toujours gardé un pied dans la terre. » Un jour, c’est l’agriculture qui l’a emporté. Il s’est d’abord installé à Molène. Puis, en réponse à un appel à candidatures, il a pris racine à Ouessant. Aujourd’hui, il cultive sur les deux îles, un vrai défi logistique doublé d’un engagement fort : nourrir localement, durablement.

Vincent a démarré ici par la culture sous abri, difficile de faire pousser quoi que ce soit sans protection, dans le vent et le sel. Puis il a conquis petit à petit le plein champ. « On fait un peu de tout : les fraises, les salades, la pomme de terre primeur, les poivrons, les haricots verts… » Il parle de ses légumes comme d’une collection vivante, chaque variété racontant une saison, une parcelle, une réussite.

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Loin des modèles agricoles intensifs, Vincent a choisi la voie du bio. Par conviction, mais aussi par nécessité : « On est sur des îles, dans un environnement fragile, dans le parc naturel d’Armorique. Ça ne ferait aucun sens de ramener ici des pratiques chimiques. » L’agriculteur vend sa production sur le marché de Lampaul, à l’épicerie locale, et à quelques restaurants de l’île.

Ce que fait Vincent, ce n’est pas juste du maraîchage, c’est une manière de redonner à l’île une fonction nourricière. En toute modestie, mais avec une conscience aiguë de son rôle : « Y’avait plus rien ici. Rien du tout. Fallait bien que ça revienne un jour. » Et l’homme retourne à ses fraises, sans s’attarder.

Quelques kilomètres plus loin, ce sont des vaches que l’on aperçoit, blondes et paisibles, broutant l’herbe salée à l’air libre. C’est la ferme des « Vaches aux quatre vents », celle de Thomas et Marie. Eux aussi ont débarqué ici à la faveur d’un appel à projets. Quelques jours après avoir regardé l’émission Thalassa consacré à Ouessant, Thomas voit un petit encart de la mairie d’Ouessant en consultant les prévisions météo : « Recherche éleveurs laitiers pour installation sur l’île ». Il a envoyé le lien à Marie. Elle s’en souvient encore en riant : « Je lui ai répondu direct : mais Thomas, tu fais chier ! » Parce qu’évidemment, ça lui a parlé. L’idée de tout reprendre à zéro, ailleurs, à deux. De redonner du sens. Et pourtant, quelle folie. Quitter la Drôme, l’élevage déjà en place ? Pour une île au bout du monde ? Alors ils ont tenté, en se disant qu’ils n’avaient aucune chance.

Premier week-end de juillet, ils ont pris la route dans leur vieille Passat, en embarquant des inconnus en covoiturage, direction Ouessant. Sur la banquette arrière, les secrets se sont effilochés : « On part voir une île, parce qu’on pense y emmener des vaches. » Fous rires. Incrédulité. Et cette impression déjà, d’un pas qui se pose sur un chemin. Une passagère est devenue amie. Ils devaient dormir dans la voiture, ils ont dormi chez elle. Puis ils sont revenus, en octobre, pour une journée. Juste une. À bord, un autre inconnu leur dit qu’il espère les voir un jour dans Thalassa. Une sorte de prophétie. Ils ne le savent pas encore, mais quelques mois plus tard, c’est bien leur histoire qui passera à la télé. Et aujourd’hui, ils sont là. Vraiment là. Avec leurs vaches, leur lait, leurs rêves. Et ce feu qu’on reconnaît chez ceux qui ne renoncent pas : « Elles en ont bavé, nos jersiaises. Mais aujourd’hui, elles sont bien. Elles produisent plus ici que dans la Drôme. », raconte Thomas.

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Leur atelier de traite est mobile, une structure simple, montée sur roues que Marie et Thomas déplacent régulièrement. Les vaches pâturent en plein air, toute l’année, et donnent un lait riche, onctueux, parfait pour la tomme, le beurre, les yaourts – et bientôt les glaces. « On veut que ça reste à taille humaine. Notre priorité est de faire bien. » Et ils font bien. Les produits sont excellents – Nous avons mangé leur tomme de vache à chaque repas durant deux jours !

Ce qui frappe, chez Vincent, Marie et Thomas, c’est leur humanité. La chaleur simple, la modestie sincère, l’engagement tranquille. Pas de grands discours, mais une pratique exemplaire, connectée à la terre : « On est là pour nourrir l’île, pour entretenir les champs, pour faire vivre une agriculture viable ici. » Avec eux, Ouessant se remet à produire. À sa mesure, lentement mais sûrement. C’est peu en quantité, mais immense en symbolique. Une agriculture insulaire, enracinée, fière. Et quand on goûte leurs produits, on sait que ce n’est pas juste une aventure : c’est une renaissance.

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  • Marché des producteurs locaux, Bas du Bourg, 29242 Ouessant. Le mercredi de 17h00 à 19h00 et le samedi de 10h00 à 12h00 de mars à septembre. En octobre, le marché a lieu uniquement le samedi matin.

Par amour du goût chez Y’a Skiff

C’est par eux que la boucle se referme. Séverine et Olivier Nedellec, les visages rayonnants et les cœurs grands ouverts du Y’a Skiff, nous ont accueillis comme s’ils nous attendaient. Et s’il y a eu tant de belles rencontres à Ouessant, c’est aussi grâce à eux. Grâce à cette manière qu’ils ont de travailler, de vivre, de tisser le lien avec celles et ceux d’ici, et surtout, avec ce qu’il y a.

Avant cela, il y a eu Saint-Brieuc. Une autre vie. Vingt ans dans une école, quelques détours dans la banque, puis dix ans à rêver un lieu à eux. Un bistrot à leur image, sans manières, sans frime. Juste bon. En 2015, ils ouvrent leur premier Y’a Skiff en centre-ville. Le nom claque comme un clin d’œil aux quais brestois : Y’a Skiff, autrement dit, il y a ce qu’il faut. À boire, à manger, de la musique : que demander de plus ? « C’est une promesse, ce nom. Ça dit qu’on s’occupe de toi. », sourit Séverine. Et pendant sept ans, ils tiennent le cap. Cuisine locale, bonnes quilles, concerts, ambiance chaleureuse : « On voulait que les gens se sentent bien. C’était pas compliqué, on faisait juste les choses avec envie. », complète Olivier. Mais l’envie, justement, recommençait à démanger.

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L’appel du large, c’est une amie qui le leur murmure à l’oreille. Claudie, artiste installée entre Ouessant et le continent, les invite un week-end et glisse, l’air de rien : « L’Harpiliguet est à vendre ! » Le restaurant, fermé depuis peu, attend une nouvelle vie. L’idée fait son chemin. Sur le bateau du retour, la décision est prise : ce sera là. « On venait souvent à Ouessant. On savait qu’on n’arrivait pas en terrain inconnu. Mais s’y installer… c’était un grand saut. », explique Séverine. Un saut qu’ils prennent à bras-le-corps. Tout est refait, du sol à l’étage. Même le jardin est confié à une paysagiste de l’île, qui y dessine des terrasses naturelles. Durant les beaux jours, on y déjeune à l’ombre, face au clocher de Lampaul.

Mais pas question de transposer tel quel ce qu’ils faisaient à Saint-Brieuc. « Il fallait repenser la carte. On voulait travailler au maximum avec ce qui se faisait sur l’île. », raconte Olivier. Alors ils vont voir tout le monde. Ils rencontrent, goûtent, questionnent. Les circuits courts deviennent des chemins de traverse familiers. : « On ne voulait pas s’imposer avec des palettes du continent. On voulait faire partie de ce qui existe déjà. » De ces rencontres naît une cuisine sincère, ancrée, vivante. Le poisson arrive de la ligne d’Ondine, les légumes de chez Vincent, les produits laitiers de Marie et Thomas. Pour le reste, ils s’approvisionnent directement auprès de producteurs bretons sur le continent. Et pour les plantes sauvages, ils ont appris à les reconnaître grâce à Gwen, l’herboriste de l’île. Une vingtaine de plantes comestibles à portée de main. Pas toutes au quotidien, bien sûr, mais quelques-unes qui viennent teinter les plats d’un goût d’ici. Des pestos, des huiles infusées, des assiettes qui parlent d’Ouessant aux papilles.

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Séverine est en salle, Olivier en cuisine. Mais rien n’est figé. Les idées circulent, les envies aussi. Parfois, Olivier passe côté clients pour papoter vins, recettes, météo, ou simplement pour le plaisir. Car leur moteur, c’est ça : le partage. « La cuisine, c’est un prétexte. Ce qu’on aime, c’est voir les gens se poser, discuter, reprendre une bouteille. » Et quand le service est fini, que la saison s’achève, ils repartent. En vadrouille, en quête d’inspiration. Pas pour copier, mais pour s’ouvrir. De quoi revenir avec des idées plein la tête et toujours l’envie de faire mieux.

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Trois saisons plus tard, aucun regret à l’horizon : « Il faut parfois s’adapter, être souple, faire sans quand les bateaux ne passent pas.… Mais on n’a jamais été aussi heureux. », confient-ils, sourires aux lèvres. Ici, leur quotidien a trouvé un autre rythme : « Le temps s’est arrêté. » Un temps qu’ils remplissent de rencontres, de bonne bouffe, de musique, de contemplation. À Ouessant, « Y’a Skiff ». Et souvent bien plus.

Battue par les vents, sculptée par le sel, Ouessant est autant un bout de terre qu’un état d’esprit. Ici, ce ne sont pas seulement les paysages qui vous marquent, ce sont aussi les visages : ceux d’Ondine, de Joëlle, d’Elen, de Vincent, de Marie, de Thomas, de Séverine ou encore d’Olivier. Dans un monde où tout s’accélère, s’efface, se standardise, Ouessant nous rappelle ce que c’est que de vivre vraiment quelque part. D’y tenir, contre vents et marées. Et d’en faire le cœur battant de sa propre histoire.

    En collaboration avec

    Tourisme Bretagne

    La Bretagne, elle a le goût des autres. Elle accueille, elle accroche. Elle vous cueille aussi, avec son petit air salin et son grain de folie. De sa poésie brute, de sa simplicité surgit l’émotion : un frisson de légende. Des verres qui trinquent au port, un calvaire en hiver, un phare qui vous fait de l’oeil… On vibre toute l’année pour son sens inné de la fête, pour sa chaleur humaine. Juste la vie qu’on aime !

    https://www.tourismebretagne.com/

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