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Lorient, port d’attaches

Son nom dit déjà le voyage : Lorient. Un mot qui porte en lui le souffle des traversées lointaines et le parfum des cargaisons venues d’ailleurs. Née en 1666 du commerce avec les Indes, Lorient a grandi dans le sillage des grands voiliers et des marins du monde. Ville des échanges et des départs, elle est aussi celle des retours, des amarres que l’on noue et que l’on défait sans jamais rompre le lien. Derrière ses quais s’écrit une histoire plurielle : celle du port de pêche de Keroman, de l’arsenal militaire, du commerce, des passagers, de la plaisance et, plus récemment, de la course au large. Six ports pour une seule et même âme : celle d’une ville ouverte sur l’horizon, mais profondément attachée à ses racines.

Depuis la gare de Lorient, on aperçoit déjà la rade, les mâts, les grues, les navires en mouvement. Ici, la mer fait partie du décor autant que de la vie quotidienne des gens. Quelques pas suffisent pour en sentir la présence. Dans les rues, les noms des cafés et les enseignes parlent de marée ou de tempête.

C’est cette identité maritime que nous avons voulu comprendre. Nous nous sommes alors rendus sur les quais de la « ville aux six ports » où se mêlent tant d’histoires et de visages : pêcheurs de Keroman, mareyeurs de la criée, skippers du pôle course au large ou encore chefs qui subliment la mer dans les assiettes. Tous racontent, à leur manière, le lien indéfectible qui unit Lorient à la mer.

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→ Jour 1 – Goûter la mer

À l’aube, au Port de pêche de Keroman

Il est quatre heures du matin lorsque l’on arrive au port de pêche de Keroman, à Lorient. La ville dort encore, mais ici, sur la Pointe de la Perrière, le port est déjà en éveil. Les lumières blanches des néons se reflètent sur l’eau sombre, dessinant des silhouettes de bateaux qui tanguent au rythme des vagues. Sur les quais, des caisses s’empilent, des marins s’affairent, et l’odeur salée de la mer se mêle à celle du poisson fraîchement débarqué. « Quand on arrive à la criée à quatre heures du matin, c’est l’effervescence. Il y a les lumières allumées, des caisses et des chariots de partout », nous explique Carole Boussion, médiatrice scientifique à la Maison de la Mer, qui nous guide dans ce ballet précis et coordonné.

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Le port de Keroman, premier port de pêche de Bretagne en tonnage et en valeur, a une histoire qui traverse les siècles. Né au 18e siècle dans le centre-ville de Lorient, il s’installe sur la Pointe de la Perrière au début du 20e siècle pour se moderniser avec le développement de l’appertisation (technique de conservation) et de la pêche à la sardine. Depuis, il n’a cessé de s’adapter : reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, modernisation des infrastructures… Aujourd’hui, plus de 110 navires y sont immatriculés. Le port de pêche est devenu un véritable poumon économique, une fourmilière à ciel ouvert de jour comme de nuit.

À Keroman, la criée est le coeur de cette activité. Fini les crieurs hurlant sur les quais : tout est désormais informatisé. Les acheteurs suivent les ventes sur de grands écrans, et chaque lot est vendu en quelques secondes grâce à des télécommandes. « Le prix descend centime par centime très vite, et lorsqu’un acheteur est d’accord pour acheter, il appuie sur le bouton de sa télécommande. Dès qu’il appuie, son nom apparaît à l’écran et la vente est terminée », précise Carole. Le merlu, la julienne, la lotte, le homard ou la langoustine défilent, chaque poisson ayant été trié, vidé ou laissé entier selon sa catégorie, et pesé à bord. Les techniques de pêche sont multiples : palangres, filets et casiers pour la petite pêche côtière, chaluts de fond ou pélagiques pour la pêche au large. Les marins, eux, vivent au rythme des pêches, sans véritables nuits, enchaînant les départs nocturnes et les siestes volées sur le pont. Un métier âpre, exigeant, guidé par la passion.

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Ici, la star, c’est la langoustine, surnommée la « demoiselle de Lorient ». Pêchée en pleine nuit, elle arrive vivante à la criée de Keroman. « Lorient est le premier port langoustinier de France. C’est un produit qui arrive déjà trié à bord. Certains jours, on peut en voir débarquer deux, trois, parfois quatre tonnes », explique Carole. Derrière la vente de chaque poisson, de chaque crustacé, se joue aussi l’avenir de la mer. Les pêcheurs veillent aux cycles naturels, suivent l’état des stocks, et travaillent main dans la main avec les scientifiques pour préserver la ressource.

Le port de pêche de Lorient n’est pas seulement un lieu de commerce, il est profondément ancré dans la ville. Les bateaux portent souvent des noms familiaux ou affectifs : Anissia, La Capricieuse, L’Infernal ou encore Penn Calet qui signifie « tête dure » en breton. « Beaucoup de pêcheurs font référence à leurs enfants ou à leurs proches. Ici à Lorient, on va souvent donner les noms en référence à la famille, du père ou du grand-père », raconte Carole. Ces noms révèlent la mémoire et l’histoire des familles, la transmission du métier, et le quotidien sur les quais et en mer.

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Alors que le ciel commence à s’éclaircir, nous croisons Ludovic, un artisan-pêcheur, revenant de sa pêche au large de Groix. Son bateau, le Popeye, est chargé de coquillages encore humides. Avec ses mains burinées et son sourire fatigué, Ludovic commence à décharger sa marchandise sur le quai, avec l’aide de son père. Il explique la routine de ses journées : « Je pars dans la nuit, je pêche jusqu’au lever du jour, et je reviens ici pour que les acheteurs aient le produit le plus frais possible. » Tandis qu’il s’éloigne vers le hangar pour ranger ses caisses, l’agitation continue sur les quais : les marins se croisent, échangent quelques mots, les mareyeurs chargent les premiers lots. Le port de Keroman ne s’endort jamais.

À midi, à table chez L’ETAL

Il ne faut pas marcher bien loin sur le port pour retrouver d’autres visages emblématiques de Keroman : les mareyeurs. Ceux qui, dans l’ombre des criées, font le lien entre la pêche et nos assiettes. À Lorient, l’un des plus anciens s’appelle La Godaille bretonne, fondée en 1987. Trois générations s’y sont succédés, des hommes et des femmes qui travaillent chaque matin au plus près de la ressource, dans cette atmosphère si particulière du port. « Un mareyeur, c’est avant tout un grossiste, explique Vincent Nguyen. On achète en direct à la criée, on trie, on prépare, et on revend aux poissonniers, restaurateurs ou épiceries. » Ici aussi, tout se joue très tôt : les arrivages du jour, les ventes qui s’enchaînent, les camions frigorifiques qui partent et reviennent. La Godaille bretonne est de ces entreprises qui n’ont jamais rompu le lien avec la pêche locale. Dans les frigos, tacaud, dorade royale, lotte ou bar attendent d’être transformés, préparés, valorisés pour sublimer nos assiettes.

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Vincent Nguyen a repris la maison il y a quelques années, après une première vie dans un tout autre univers. « J’ai bossé sept ans chez Orange, raconte-t-il. Et je voulais me recycler un peu dans le food. Ça pouvait être la viande ou le poisson. Vu que je suis lorientais, le lien avec la mer était complètement logique. » Le père de son meilleur ami cherchait à céder l’entreprise : le hasard et l’envie d’aventure ont fait le reste. Après un an et demi de formation auprès de l’ancien gérant, Vincent reprend seul la barre de La Godaille bretonne en 2019. « Depuis, on a subi la crise du Brexit, la crise Covid. Il a fallu repenser notre manière de travailler, aller davantage vers la transformation pour valoriser le produit au mieux. » Côté conserverie, les recettes évoluent, les étiquettes aussi : un souffle de modernité pour ces rillettes de la mer qui contiennent plus de 50 % de poisson. « On veut garder cette exigence de qualité, tout en rendant nos produits accessibles, en restant proches de la ressource et des pêcheurs. »

Mais Vincent ne s’est pas arrêté là. Avec l’énergie des entrepreneurs qui osent casser les codes, il a voulu redonner au poisson ses lettres de noblesse au cœur de la ville. Ainsi est né L’Étal, une poissonnerie-restaurant installée rue de Liège : « C’est un concept qui existe en Espagne, mais très peu en France, et pas du tout ici. L’idée, c’était d’apporter quelque chose de différent, de novateur », explique-t-il. L’Étal, c’est un lieu sans chichis où l’on choisit son poisson directement sur l’étal frigorifique — bar, lieu jaune, thon, dorade — avant de le voir partir en cuisine. Quelques minutes plus tard, il revient dans l’assiette, souvent accompagné de frites croustillantes. « Soit les clients repartent avec leurs produits comme chez le poissonnier, soit on les cuisine directement ici. »

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Le jour de notre passage, nous nous sommes laissés tenter par une dorade fraîche. À la table d’à côté, une famille partage un fish and chips. Un peu plus loin, deux jeunes dégustent un poké bowl. L’ambiance est décontractée, et pourtant tout ici raconte le sérieux du métier : « Tout est acheté en direct à la criée. On veut mettre en valeur les poissons pêchés ici », insiste Vincent. Même les sauces et accompagnements sont faits maison. Le poissonnier, David, fils de pêcheur, s’affaire derrière l’étal. « Les gars servent en bottes ! Et c’est bien, parce qu’ils savent de quoi ils parlent. »

Ce concept atypique attire une nouvelle génération de curieux et de gourmands, mais aussi de jeunes en quête de sens. « On a un apprenti passionné par ce qu’il fait. Il y a encore des jeunes comme ça, qui veulent apprendre, se former, donner un avenir à ces métiers. » Car le mareyage, comme la pêche, peine à recruter. Pourtant, l’espoir est là, dans ces vocations qui renaissent : « Je suis plutôt optimiste, confie Vincent. Les volumes vont sans doute baisser, mais la valeur va augmenter. Et surtout, on a encore ici une belle ressource, bien gérée, bien travaillée. » Avec La Godaille Bretonne et L’Étal, Vincent incarne cette nouvelle génération de mareyeurs bretons : fidèles aux valeurs du métier, ancrés dans le port, mais tournés vers l’avenir.

  • L’ETAL, 29 Rue de Liège, 56100 Lorient

Le soir, une marée de saveurs chez Louise.

Vous l’aurez compris, à Lorient, la mer n’est jamais bien loin. Elle s’invite sur les devantures des cafés, se respire dans l’air iodé, se savoure dans les assiettes. Parmi les tables lorientaises, celle de Julien Corderoch sort du lot. Son restaurant, Louise., étoilé au Michelin depuis 2024, ne cherche pas l’effet de manche. Ici, tout se joue dans la justesse, la sincérité, le goût du vrai.

Originaire de Ploemeur, Julien Corderoch a grandi entre deux marées, bercé par les odeurs de cuisine et les embruns du Morbihan : « Je suis baigné dedans par mes grands-parents, dans la cuisine. Et puis tout de suite, cet amour du partage, du fait de se réunir à table et d’échanger », raconte-il. Ce goût du lien, il le porte encore aujourd’hui dans sa cuisine ouverte, où l’on aperçoit son équipe s’activer avec concentration et bonne humeur. L’histoire commence pourtant avec une simple compote de pommes : celle de Louise, son arrière-grand-mère d’Arzon, dont il a donné le prénom au restaurant : « Louise, c’était ma madeleine de Proust. Sa compote venait du verger, c’était d’une simplicité folle mais ça m’a marqué à vie. »

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Formé au CFA de Vannes, Julien se lance très tôt en apprentissage : « Pour moi, c’était la meilleure école, celle du terrain. » Il fait ses classes chez les plus grands, auprès de Jean-Paul Abadie à L’Amphitryon (deux étoiles), de Philippe Le Lay chez Henri & Joseph (une étoile) puis de Jérémy Le Calvez à La Pomme d’Api (une étoile). « Quand on arrive à quinze ans dans un deux étoiles Michelin, on ne connaît rien, on est encore un bébé. Et là, on voit une brigade se mettre en action pendant un service : c’est à la fois impressionnant et un peu effrayant. » De ces années de formation, il garde le respect du produit, la rigueur du geste et l’exigence du collectif : « Ce qui m’a le plus marqué, c’est le respect de l’équipe. Sans ça, rien ne fonctionne. »

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Revenu à Lorient, il reprend en 2018 le restaurant Henri & Joseph, où tout avait commencé. Six ans plus tard, il décroche sa première étoile, une récompense qu’il accueille avec une humilité désarmante : « On a continué à faire la même cuisine et à utiliser les mêmes tarifs. Ce n’est pas parce qu’on a une étoile qu’on doit changer du jour au lendemain. » Le succès n’a rien altéré de son exigence, ni de sa simplicité : son menu du midi reste à trente cinq euros, et l’esprit du lieu demeure celui d’une maison conviviale, ancrée dans la ville et ouverte sur la mer.

Car la mer, c’est son terrain de jeu et sa source d’inspiration. « J’ai passé une grande partie de mon enfance à Port Navalo, à pêcher les bars ou relever les casiers à crevettes avec mon grand-père. » Ce lien viscéral à l’océan se retrouve dans chaque assiette, du bar de roche saisi sur la peau au merlan vapeur douce, du sashimi de daurade royale au bouillon tiède de crevettes grises. Chaque poisson est choisi avec soin, à la criée de Lorient, auprès de son mareyeur de confiance. « Tous les matins, on se voit au port. Il sait ce que je veux, il connaît mes coups de cœur. C’est un vrai travail d’équipe entre les gars du port et nous au resto. »

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Julien Corderoch défend une cuisine de la mer locale et durable, respectueuse des saisons et des cycles de reproduction. « Le bar en période de fraie, on ne le travaille pas. C’est une question d’éthique. » Son approche, à la fois instinctive et réfléchie, s’inscrit dans une logique de transmission : « On est les premiers acteurs après les pêcheurs à travailler ces produits, on se doit de montrer l’exemple. »

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Le menu à l’aveugle fait partie intégrante de cette philosophie. Ici, on ne choisit pas : on fait confiance. À la réservation, on signale seulement ses allergies ou ses intolérances. Le reste, c’est une surprise. « C’est la criée et le maraîcher qui décident de notre carte. Aujourd’hui, il y a du lieu jaune, demain il n’y en aura peut-être pas, et c’est très bien comme ça. On s’adapte », explique le chef. On vient donc chez Louise. sans savoir ce qu’on va manger, mais avec la certitude que ce sera bon.

En salle, l’ambiance est à la fois feutrée et vivante. Sur les murs, quelques objets personnels : le baromètre du grand-père, les répliques des bracelets en nacre de sa grand-mère… Tout ici respire la mémoire familiale et le goût du partage. « Je suis bien dans mes pompes avec ma cuisine. Ce lieu, il me ressemble », conclut Julien. C’est sans doute là le secret de Louise. : un restaurant à taille humaine, à la fois ancré dans son territoire et tourné vers la mer. Et chez Julien Corderoch, elle est à portée de fourchette.

  • Louise., 4 Rue Léo le Bourgo, 56100 Lorient

→ Jour 2 – Prendre le large

Mettre les voiles au Pôle course au large avec marie Tabarly

Quoi de mieux que de rejoindre Lorient La Base pour prendre le large. Ancienne base de sous-marins allemands, devenue aujourd’hui le cœur battant de la course au large, c’est un monde à part, un port dans le port où se croisent les plus grands skippers du moment. Sur les pontons, on aperçoit les Ultimes, les Imoca, les multicoques géants… et, un peu plus loin, amarrés devant la Cité de la Voile Éric Tabarly, les légendaires Pen Duick qui attirent immanquablement le regard. C’est ici, sur ces quais chargés d’histoire, que Marie Tabarly, fille d’Éric, a installé son port d’attache. Un symbole fort, presque naturel : c’est à Lorient que son père avait bâti son rêve, c’est ici qu’elle le prolonge, à sa manière, libre et déterminée.

Chez les Tabarly, la mer est une langue maternelle. Pour Marie, elle n’a pas été un héritage imposé, mais un appel intime, venu de l’enfance. Elle a navigué très tôt, souvent sur des bateaux trop grands pour son âge : « Je n’ai pas eu la chance de faire une école de voile sur des petits bateaux comme la plupart des gens le font, raconte-t-elle. Du coup, certaines bases m’ont manqué après. Mais j’ai beaucoup navigué sur des bateaux classiques, en bois, des bateaux de course anciens : ça, j’aime énormément. » De cette école un peu brute, elle a tiré la ténacité et l’audace d’une aventurière.

Marie Tabarly n’a pas seulement hérité d’un nom, mais d’une responsabilité : celle de préserver la flotte des Pen Duick, ces bateaux qui, depuis plus d’un siècle, écrivent une part de l’histoire maritime française. « On est juste garants, gardiens de ces bateaux. Ils ne nous appartiennent pas. On n’en est qu’une toute petite partie dans leur vie. » Le premier Pen Duick date de 1898. Depuis, la lignée s’est étendue : II, III, IV, V et VI… une saga flottante où se mêlent exploits, drames et victoires. C’est à bord du VI, le plus grand de tous, que Marie a trouvé son navire de cœur. Classé monument historique, comme plusieurs autres de la flotte, il demeure un formidable témoin de l’esprit visionnaire de son père : marin ingénieur, compétiteur acharné, rêveur réaliste.

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Sous sa houle de caractère, Marie Tabarly est une capitaine profondément humaine. Quand elle prend la barre de Pen Duick VI, en 2018, elle porte autant l’héritage familial que sa propre vision de la mer. « Je suis mi-flibustière à la barre de Pen Duick VI, mi-amazone quand je murmure à l’oreille des chevaux », dit-elle, entre deux mondes qu’elle habite avec la même intensité. En 2024, elle embarque pour la plus folle des aventures : l’Ocean Globe Race, un tour du monde à l’ancienne, sans satellite ni GPS, comme au temps d’Éric Tabarly. Un défi d’endurance et de cohésion : huit mois de mer, de froid, de vagues et d’étoiles.

Au départ, elle hésite : « Prendre la responsabilité d’emmener douze personnes dans le grand Sud n’est pas évident. » Mais l’appel du large la rattrape. Elle se lance, convaincue que l’essentiel réside dans l’humain. « Je ne voulais pas partir avec des gens que je connaissais. J’ai mis une annonce sur Facebook : j’ai reçu 300 dossiers ! J’ai sélectionné 38 personnes en mer, et au final, seize sont partis sur le tour. Ce sont des super êtres humains. » À bord, pas de stars de la voile, mais une équipe soudée, curieuse, bienveillante. « En deux ans, on n’a jamais eu une engueulade, aucune tension. Jamais ! » confie-t-elle.

La victoire, elle la vit avant tout comme un hommage : à son père, à son équipage, et au bateau : « Je suis fière et heureuse pour le bateau. Pen Duick VI avait tout pour gagner. Donc il n’y avait pas d’autre option que de l’emporter. » Et quand elle évoque les souvenirs de mer, sa voix s’adoucit : les lumières du Sud, les vols d’albatros, les ciels étoilés qui transforment l’océan en univers sans fin. « Des fois, c’est des ambiances très lourdes. Le Sud, c’est violent. Mais ailleurs, vous êtes dans Avatar. Un bleu intense, magnifique. »

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Aujourd’hui, sur les pontons de Lorient La Base, Pen Duick VI se refait une beauté. Il vient d’être sorti de l’eau pour un grand nettoyage, sous les yeux attentifs de Marie et de son équipe. Bichonné, réparé, réarmé, il s’apprête à reprendre la mer. Car ici, les Pen Duick ne sont pas des reliques, mais des bateaux vivants : « Les gens ne peuvent pas toujours les visiter, mais ils les voient naviguer. C’est ça, leur vraie vie. » Lorient s’imposait alors comme port d’attache évident : à la fois technique et dynamique, habité par des marins de haut niveau, mais aussi un lieu d’histoire et de transmission. « Je peux faire voyager mes chevaux, mais mes Pen Duick ne seront jamais basés ailleurs qu’ici », conclut-elle avec le sourire.

Pied marin, coeur terrien à Locmiquélic avec Tanguy Le Turquais

Depuis Lorient, on embarque sur un bateau-bus qui traverse la rade, direction Locmiquélic. En quelques minutes, le petit port de plaisance se dessine, adossé aux maisons basses et aux mâts des voiliers. C’est ici que nous attend Tanguy Le Turquais, son bateau amarré à quelques pas seulement du ponton. Ce court trajet suffit à donner le ton : pour rencontrer un marin, il faut déjà se laisser embarquer et sentir la mer sous ses pieds !

Tanguy fait partie de ceux qui ont réalisé leur rêve. Enfant, il s’imaginait déjà aventurier. Le pont du bateau paternel, amarré au port de Vannes, était son meilleur terrain de jeu. « J’ai grandi sur un bateau avec mes deux petites sœurs. On ne partait jamais bien loin, mon père était prudent. Mais chaque sortie, même vers Belle-Île ou Houat, nourrissait mon imaginaire », raconte-t-il. Pendant onze ans, leur maison flottante a façonné son regard sur le monde. La mer faisait partie du quotidien mais surtout des rêves. « Le soir, il n’y avait pas la télé. Mon père nous lisait les revues de presse du Vendée Globe ou de la Route du Rhum pour nous endormir. C’est comme ça que j’ai commencé à rêver de course au large. » Parmi les récits, un nom l’a marqué : celui d’Hélène MacArthur. Il se souvient d’un soir d’hiver, en pyjama devant la télévision, autorisé exceptionnellement à regarder l’arrivée de la navigatrice anglaise : « Je devais avoir dix ans. Je la voyais arriver du bout du monde, seule, épuisée, heureuse. J’ai eu l’impression qu’elle revenait d’une autre planète. Ce soir-là, je me suis dit : c’est ça que je veux faire. »

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De ce rêve d’enfant est née une vocation. Après des études à la Marine marchande, Tanguy monte peu à peu ses projets : deux Mini Transat, deux titres de champion de France Mini, trois Transat AG2R, cinq Solitaire du Figaro… jusqu’à l’épreuve ultime, le Vendée Globe. « La Mini Transat, c’était ma première grande aventure, mon rêve d’ado », se souvient-il. À 22 ans, il réussit à être au départ, traversant l’Atlantique seul sur un voilier de 6,50 mètres. Vingt-sept jours en mer, sans assistance, sans contact avec la terre. Il enchaîne ensuite les saisons, affine sa connaissance des bateaux, apprend à gérer un projet, un budget, une équipe. Car pour réaliser un rêve de Vendée Globe, il faut être à la fois marin, mécanicien et entrepreneur : « Au début, je ne savais pas comment convaincre des partenaires, comment monter une équipe. J’ai appris sur le tas, à force d’erreurs et de persévérance. »

En 2024, il réalise enfin son rêve : prendre le départ de son premier Vendée Globe. Mais pas n’importe comment. Le projet qu’il monte, il veut qu’il ait du sens. Alors, il décide d’y associer l’association Lazare, qui développe des colocations solidaires entre jeunes actifs et personnes sans abri. « Je voulais que mon projet parle de quelque chose de plus grand que moi. Lazare, c’est une belle idée de solidarité, de vivre ensemble, de confiance. » Pendant toute la préparation, il multiplie les échanges avec les colocataires de l’association : certains l’accompagnent sur les courses, d’autres lui écrivent. Son bateau devient un symbole de fraternité et d’espoir.

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Le départ du Vendée Globe, il le vit comme un accomplissement, mais aussi une épreuve intime : « Quand j’ai franchi la ligne, j’ai eu la sensation de réaliser le rêve de ma vie. Mais paradoxalement, je me suis aperçu qu’il y avait quelque chose d’encore plus fort : rêver. » Pendant trois mois de mer, il traverse les océans, affronte les tempêtes, la fatigue, la solitude. « 99 % du temps, j’avais envie d’abandonner. C’est extrêmement dur de vivre seul, dans l’humidité, sans sommeil. Mais en même temps, c’est tellement fort. » Dans les mers du Sud, il ressent toute la puissance du monde. « J’avais l’impression d’être toléré par l’océan. Là-bas, l’homme n’a pas sa place. J’y allais sur la pointe des pieds, avec humilité. » Ce rapport à la mer, à la fragilité, à la patience, il le garde comme une leçon : « Tu te rends compte que tout finit par se résoudre, qu’il faut juste attendre le bon moment, garder la lucidité. »

Quand il rentre à Lorient, après ce voyage autour du monde, la rade prend un autre visage. « Quand tu commences à apercevoir Groix, tu sais que tu rentres à la maison. C’est un mélange d’émotion et de soulagement. » Pour lui, Lorient est bien plus qu’un port : c’est un écosystème. Ici, il trouve tout ce dont il a besoin pour s’entraîner, préparer un bateau, fédérer une équipe. « À Lorient la Base, il y a 90 % de la concurrence, 100 % des entreprises dont on a besoin. C’est un endroit unique, un peu comme la Formule 1 de la mer. »

Aujourd’hui, Tanguy regarde déjà vers l’avenir. Il veut continuer à naviguer, bien sûr, mais aussi prolonger l’aventure humaine autour de Lazare. Il multiplie les échanges, les rencontres, les initiatives avec l’association. « La mer, c’est un apprentissage sans fin. Elle t’apprend l’humilité, la persévérance, le lâcher-prise. » Quand il repart s’entraîner dans la rade, on devine ce fil invisible qui le relie à tout ce qui l’a construit : son père, les nuits d’enfance à rêver d’Hélène MacArthur, sa fille qu’il retrouve à terre et cette Bretagne qui continue de l’ancrer. « Sur l’eau, je ne déconnecte pas. Je me reconnecte, tout simplement », sourit Tanguy.

  • Locmiquélic, ancien village de pécheur, au pays des minahouëts

À Lorient, tout ramène à la mer. Elle nourrit, elle inspire, elle relie. C’est elle qui façonne les vies, les gestes et les histoires. Car ici, au-delà des six ports, il n’y a qu’un seul lien : celui d’une ville profondément maritime, habitée par ceux qui ont, tous, un peu de sel sur la peau et beaucoup d’attaches au cœur.

    En collaboration avec

    Tourisme Bretagne

    La Bretagne, elle a le goût des autres. Elle accueille, elle accroche. Elle vous cueille aussi, avec son petit air salin et son grain de folie. De sa poésie brute, de sa simplicité surgit l’émotion : un frisson de légende. Des verres qui trinquent au port, un calvaire en hiver, un phare qui vous fait de l’oeil… On vibre toute l’année pour son sens inné de la fête, pour sa chaleur humaine. Juste la vie qu’on aime !

    https://www.tourismebretagne.com/

    En collaboration avec

    Lorient Bretagne Sud

    Ici, l’aventure se vit à ciel ouvert. Entre vallées du Blavet et du Scorff où la nature se fait douce et généreuse, plages dorées qui invitent à tout oublier, et citadelle de Port-Louis dressée fièrement face à la mer, chaque détour a quelque chose d’un voyage.

    À Lorient La Base, les anciens bunkers allemands racontent une histoire de renaissance et d’audace, là où skippers nouvelle génération, artistes et aventuriers modernes se croisent aujourd’hui. Et au large, l’île de Groix veille, sauvage et lumineuse — un joyau préservé où le temps file autrement.

    Un territoire pluriel, libre et inspirant, taillé pour ceux qui aiment tracer leur propre route.

    https://www.lorientbretagnesudtourisme.fr/

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