La noix de Grenoble, une pépite iséroise

La noix de Grenoble est la première noix au monde à afficher un label de qualité. Véritable fleuron de l’agriculture traditionnelle dauphinoise, elle est aujourd’hui reconnue Appellation d’origine protégée (AOP). Pour en apprendre plus sur cette fameuse noix, j’ai rendez-vous à la ferme familiale des Côtes de l’Isère, aux pieds du Vercors, où se cultivent la passion et la transmission de la noix depuis plus de 150 ans.

Partir à la découverte de la production de la noix de Grenoble AOP est pour moi l’occasion d’en apprendre davantage sur ma terre d’adoption qu’est la région iséroise. Sur la route qui mène à la ferme, j’observe inlassablement les noyers se succéder les uns après les autres. Ces arbres confèrent aux paysages du territoire un caractère contemplatif. J’arrive enfin à destination après avoir sillonné les routes verdoyantes et encore brumeuses de la vallée de l’Isère. Je suis alors accueillie chaleureusement par Robert, un ancien nuciculteur (nom donné au producteur de noix), aujourd’hui à la retraite. Passionné, il est venu prêter main-forte à la famille durant la période la plus dense de l’année.

Un savoir-faire ancestral

Il est sept heures du matin, les agriculteurs s’affairent déjà dans les champs pour ramasser les dernières noix tombées. Voilà environ trois semaines que la récolte bat son plein et touche bientôt à sa fin. Cette année la récolte a débuté le 26 septembre, une date fixée par une commission de maturité et qui s’applique à l’ensemble de zone géographie de l’AOP. Celle-ci s’étend le long de l’Isère jusqu’à la Savoie et au nord de la Drôme. Annonçant l’arrivée de l’automne, la maturité des noix célèbre et récompense aussi une année de travail dans le respect d’un cahier des charges strict. De la disposition des plants de noyers, aux méthodes d’irrigation en passant par la récolte, le séchage et le stockage, chaque étape de production est encadrée pour garantir l’aspect et le goût de la noix de Grenoble.

À la ferme des Côtes de l’Isère, un bâtiment s’impose. Avec sa charpente typique, l’ancien séchoir à noix témoigne des premières années de nuciculture. Les vieux tracteurs, héritages du passé, sont les témoins des générations qui se succèdent. L’année 1865 marquera le point de départ de cette destinée familiale, avec l’achat de la première parcelle dédiée à la culture de la noix. Aujourd’hui, ce sont trois générations conscientes de leur histoire qui vivent et travaillent ensemble sur l’exploitation pour produire des noix de qualité.

Papi mimi, 89 ans est le doyen de la famille. Il a participé au développement de la noyeraie et a transmis son savoir-faire à son fils Christophe, qui a repris la ferme avec son épouse Isabelle, il y a plus de vingt ans. Désormais accompagnés de Bertrand, le petit-fils, l’aventure familiale a encore de beaux jours devant elle. Ensemble, ils perpétuent le savoir-faire de la noix de Grenoble, de la production jusqu’à la distribution.

Du champ à l’assiette

Retour au programme de la matinée. Robert me conduit dans les parcelles où j’assiste au ballet des secoueuses et ramasseuses. Sur le trajet jusqu’aux vergers, il m’explique que la récolte, autrefois manuelle, s’est mécanisée au fil du temps. Lorsque les noix ne se sont pas décrochées naturellement, ces étonnantes machines permettent de secouer vivement chaque noyer pour faire tomber une pluie de feuilles et de noix au sol. Le parcours est bien rodé. Robert, à pied, suit la secoueuse et veille à protéger les fruits tombés sur le sentier en attendant le passage de la ramasseuse. De retour à la camionnette, il me tend quelques noix glanées au passage. Ce sont les trois variétés reconnues par l’appellation AOP : la Mayette, la Parisienne et la Franquette. De jolis noms qui soulignent leurs différences de formes et de goûts.

Les prochaines étapes de la production se passent à la station de lavage, sous l’ancien séchoir. Bertrand, qui s’est lancé aux côtés de ses parents, m’accompagne. L’endroit est impressionnant et le bruit assourdissant. Les coquilles de noix s’entrechoquent, l’eau coule et les machines tournent à plein régime. Sous la charpente, c’est un véritable dédale qui s’étend sur plusieurs étages. Je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse y avoir ici une telle effervescence. Lors de ma visite au printemps dernier, le bâtiment était vide et silencieux car chaque saison, la station est montée puis démontée en attendant la prochaine récolte. Tout en me tendant un casque anti-bruit, Bertrand m’explique les différentes étapes et processus en commençant par le lavage.

« Les noix fraîchement ramassées sont déposées dans une benne à l’entrée de la station de lavage. Elles sont acheminées dans le bâtiment par un tapis roulant, pour être triées, lavées et séchées méthodiquement. », explique Bertrand. Les machines de l’exploitation sont souvent perfectionnées et parfois imaginées par Christophe pour permettre de créer un circuit efficace mais aussi respectueux de
l’environnement. « L’eau est en circuit fermé. Drainée vers un bac, une pompe la réinjecte dans le système, elle sera utilisée plusieurs fois jusqu’à ce que la concentration en brou de noix soit trop forte. », ajoute-t-il. Une fois les noix lavées et débarrassées des branches, des pierres et des derniers résidus, place au tout premier tri manuel. Gilles, en charge de cette étape veille à enlever les noix encore sales pour les introduire à nouveau dans le circuit pour un second lavage.

Pour obtenir le label AOP, le diamètre minimal de la noix de Grenoble doit être d’au moins 28mm et son taux d’humidité naturel inférieur ou égal à 12 % pour les noix sèches

BERTRAND, NUCICULTEUR

Vient ensuite, le séchage. Une étape primordiale qui prend environ quatre jours et s’organise sur différents étages de la bâtisse. Une fois sèches, les noix sont calibrées et triées grâce à d’énormes cylindres en rotation. Les noix sont alors automatiquement dirigées vers des trappes correspondant à leurs calibres sur lesquelles on peut lire 24, 28 ou encore 30. « Pour obtenir le label AOP, le diamètre minimal de la noix de Grenoble doit être d’au moins 28mm et son taux d’humidité naturel inférieur ou égal à 12 % pour les noix sèches. », affirme Bertrand. Les palettes de noix sont transportées dans le bâtiment voisin où elles seront triées une dernière fois, puis emballées pour être stockées. Classiquement vendues par filet, seules les noix en coque peuvent être labellisées. C’est ici que s’achève pour moi la découverte des coulisses de la célèbre noix.

Si vous vous interrogez sur le devenir des noix plus petites ne répondant pas aux critères de l’AOP, sachez qu’elles seront tout de même vendues mais sans l’appellation ou sous forme de cerneaux. Ophélie, la compagne de Bertrand, a fait le choix de valoriser la noix en proposant des produits artisanaux. En 2021, elle imagine La Griniatée, une marque inscrite dans une démarche engagée. Les produits proposés sont confectionnés par des artisans locaux : Huile de noix, chouchous sucrés ou salés, beurre de noix… Difficile de ne pas se laisser tenter ! Du champ à l’assiette, cette famille n’a décidément pas fini de transmettre leur amour de la noix de Grenoble.

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