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Au coeur de la brousse

C’est sur les hauteurs de Marseille et plus précisément à Cuges-les-Pins que Luc s’est installé avec ses chèvres, et pas n’importe quelles chèvres, les chèvres du Rove. Cet homme qui rêvait d’être berger garde chaque jour son troupeau dans le Parc naturel régional de la Sainte-Baume, tandis que Magali, sa femme, s’attelle à la production d’un fromage d’exception réalisé à partir du lait de ces animaux: la Brousse du Rove.

Il est 10h lorsque nous arrivons à la Cabro d’Or, le nom que Luc et Magali ont donné à leur ferme. Nous retrouvons Luc et son fils à la bergerie alors que la traite des chèvres bat son plein. Un rituel qui se déroule tous les jours de février à septembre pour récolter un lait précieux: « Les chèvres du Rove produisent peu de lait mais un lait très singulier. On a tendance à dire qu’il y a le lait de chèvre et le lait de Rove », explique Luc. Du chauvinisme ? Non ! Une admiration pour ces animaux née d’un concours de circonstances qui remonte à plus de vingt ans.

Du rêve à la réalité, il y a quand même un grand écart. La charge de travail, je ne l’avais pas trop calculée à l’époque

Luc FALCOT, ÉLEVEUR DE CHÈVRE DU ROVE

Né dans le Nord de Marseille, cet ancien commercial, alors en conflit avec son employeur, quitte son boulot en 1998 pour réaliser son rêve d’enfant: vivre à la campagne et devenir berger. « Du rêve à la réalité, il y a quand même un grand écart. La charge de travail, je ne l’avais pas trop calculée à l’époque », se souvient-il. Luc et Magali s’installent alors à Cuges-les-Pins sur un terrain avec un cabanon en ruine, sans eau ni électricité.

À force d’abnégation, le couple rénove le cabanon, aménage le terrain et acquiert les premières chèvres de race Rove auprès d’un éleveur du coin: « Il m’a expliqué pendant à peu près une demi-heure ce qu’était l’élevage de chèvres, sa femme m’a expliqué pendant un quart d’heure ce qu’était la fabrication de fromage et je suis arrivé ici fort de trois quarts d’heure de formation ». Le fruit du destin entre un homme et cet animal rustique. Aujourd’hui, Luc est un chevrier confirmé. Il transmet sa passion à de nombreux jeunes et est particulièrement investi au sein de l’Association de la Défense des Caprins du Rove.

La brousse du Rove: un fromage d’exception

La légende raconte que les chèvres du Rove seraient arrivées dans la région depuis la mer lors de la fondation de la ville de Massilia (Marseille) par les grecs. La majorité des troupeaux de l’époque se situait à proximité du village de Rove, c’est donc en toute logique que ce caprin en prit le nom. Cette race ancestrale a pourtant bien failli disparaître il y quelques années, car peu productive. Les chèvres du Rove se distinguent par de grandes cornes, torsadées, qui leur donnent une apparence imposante. Dotées d’une très bonne résistance physique, elles s’alimentent des végétaux des régions sèches (chêne kermès, romarin, genêt…) et s’accommodent parfaitement aux terrains accidentés: « on pourrait les comparer à des chamois », précise Luc.

La Brousse du Rove est un fromage qui a beaucoup été imité, il a donc fallu le protéger

Luc FALCOT, ÉLEVEUR DE CHÈVRE DU ROVE

Le lait des chèvres du Rove est naturellement riche en protéines et en matière grasse d’où la texture si singulière de la Brousse du Rove. Contrairement à ses cousins corses ou aveyronnais, la brousse du Rove est fabriquée à partir de lait entier. Par ailleurs, ce fromage n’est ni salé, ni emprésuré. Après la traite, le lait est mis en chaudron et est monté en température. Puis, il est brassé manuellement. On y ajoute du vinaigre blanc grâce auquel le lait va floconner, on dit alors que le lait « brousse ». Le résultat sera ensuite passé au chinois avant d’être moulé dans de petites faisselles en forme de cône. Un sacré tour de main parfaitement maîtrisé par Magali qui prépare chaque jour plusieurs dizaines de Brousse du Rove dans un ancien container réaménagé en fromagerie.

Ce fromage bénéficie d’une notoriété importante à l’échelle locale et l’offre est inférieure à la demande, « La Brousse du Rove est un fromage qui a beaucoup été imité, il a donc fallu le protéger », explique Luc. Après 12 ans de procédures administratives, le fromage a obtenu en 2020 l’appellation d’origine protégée (AOP), une fierté et une reconnaissance pour les 7 producteurs habilités: « Notre cahier des charges est parmi les plus stricts d’Europe ». La zone de protection s’étend sur 131 communes reparties entre les départements des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et du Var.

Le pastoralisme chevillé au corps

Luc est un fervent défenseur du pastoralisme. La pratique est d’ailleurs un des critères du cahier des charges AOP Brousse de Rove avec l’obligation de pâturage quotidien. Il revendique un système d’élevage « grand pastoral » qui consiste à garder son troupeau dans les collines du massif de Cuges-les-Pins avec des parcours différents chaque jour afin de gérer au mieux l’alimentation des caprins.

Ce pastoralisme présente de multiples avantages. D’abord, le lait n’est jamais standardisé, puisque la pousse des végétaux n’est pas la même, d’un jour à l’autre et selon les endroits. Ensuite, il permet de prévenir les risques d’incendie dans une région régulièrement sujette à ces évènements: « Les chèvres du Rove mangent avant tout les espèces végétales dominantes et peuvent se nourrir jusqu’à un mètre cinquante de hauteur ! » Enfin, le pastoralisme permet d’entretenir les chemins des collines souvent délaissés par les autorités par manque de moyen.

Amoureux de son terroir, Luc nous confie qu’il transmettra le flambeau à son fils et son beau-fils l’année prochaine : « je continuerai à les aider. Je suis tellement passionné que je n’arrêterai pas du jours au lendemain ». Une retraite bien méritée qui lui permettra sans nul doute de ne plus rentrer à l’heure des brousses.

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