La traversée du Jura réserve sa part de mystère et de féérie. Le massif abrite des forêts millénaires où le bois est roi. Des savoir-faire uniques se sont développés autour de cette matière et ses différentes essences : tournerie, boissellerie ou encore scierie. Rencontre avec Bruno Thomas, surnommé « Bête à bois », un artisan qui a trouvé la quiétude dans le village d’Arinthod. Il consacre aujourd’hui l’essentiel de son énergie à fabriquer des jeux en bois coopératifs, vecteurs de liens intergénérationnels.
Saviez-vous que l’expression « Massif du Jura » signifie « forêt de montagne » en vieux gaulois ? On raconte que la forêt se serait installée dans le Jura il y a plus de 7000 ans. Elle couvre aujourd’hui près des deux tiers du massif et constitue l’une des plus vastes forêts naturelles de moyenne montagne.
Réputées pour ses sapins et ses épicéas dont les bois ont récemment été reconnus par une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC), les forêts du Jura se distinguent par une grande diversité d’essences : épicéa centenaire, sapin président, chêne, frêne, hêtre, noyer et érable.
Cette richesse naturelle a été la racine de nombreux savoir-faire caractéristiques de la région. Durant les longs et vigoureux hivers, les fermiers jurassiens se sont mis à exploiter le bois pour compléter leurs revenus. Tourneur, pipier, ou encore layetier, ces métiers trouvent bien souvent leur origine dans les massifs jurassiens. « Les artisans se regroupaient autour des rivières pour faire marcher les tours à bois », raconte Bruno.
Les premiers jeux en bois ont été réalisés par les moines bénédictins dès le XIe siècle à l’abbaye de Saint-Claude. Ce lieu de pèlerinage était aussi une place commerciale de choix pour les objets religieux en bois tels que les chapelets ou les statuettes. Au début du XXe siècle, le Haut-Jura comptait près de 7600 artisans tourneurs sur bois, notamment réputés pour la fabrication de bilboquets, cordes à sauter, jeux d’échecs, et autres jouets ou objets ludiques.
De nos jours, et malgré les difficultés de l’activité, quelques artisans se battent pour maintenir ces savoir-faire boisés qui font la renommée des Montagnes du Jura. Parmi eux, Bruno Thomas, un artisan du bois qui a trouvé son bonheur dans cette matière et la fabrication de jeux en bois coopératifs.
Bruno, la bête à bois d’Arinthod
C’est dans le village d’Arinthod que Bruno, surnommé « Bête à bois », a trouvé ses repères et le sens qu’il souhaitait donner à sa nouvelle vie. Cet ancien chargé de production dans les quartiers de La Défense à Paris, a un jour décidé de quitter « cette fourmilière humaine » pour se reconnecter à la nature.
Il trouve alors la quiétude dans le Jura et enchaîne les boulots : perchiste, agent de sécurité, auxiliaire de puériculture… « À force d’enchaîner les métiers, cela m’a donné des critères supplémentaires pour me dire “ça je n’en ai plus envie” », explique Bruno. Fasciné par les arbres et nourri par les balades en forêt, où il animait des activités sur le thème du sens, il se prend de passion pour le bois, symbole de la région.
J’ai eu envie de travailler la matière, de savoir me servir de mes mains
Bruno Thomas, artisan du bois
Autodidacte, il commence par explorer les richesses de cette matière sur son temps libre avant de faire de cette passion son métier à plein temps. « J’ai eu envie de travailler la matière, de savoir me servir de mes mAutodidacte, il commence par explorer les richesses de cette matière sur son temps libre avant de faire de cette passion son métier à plein temps. « J’ai eu envie de travailler la matière, de savoir me servir de mes mains » résume Bruno. Comme un hommage aux anciens, il a à cœur de respecter la notion même du geste de l’artisan, mais aussi d’honorer l’arbre. Cela passe notamment par la prise en compte du calendrier lunaire pour la coupe du bois : « Nos anciens le faisaient systématiquement, ce n’était jamais remis en cause ».
Nos ancêtres avaient effectivement remarqué qu’en coupant le bois « hors sève », c’est-à-dire en lune descendante et quand les arbres sont en repos végétatif, le bois séchait plus vite et était de meilleure qualité. Une pratique qui n’est que très peu respectée aujourd’hui en raison de l’industrialisation de la filière.
À la manière de Geppetto qui donna vie à Pinocchio, Bruno perçoit le bois comme un être vivant évoluant avec des imperfections qui révèlent tout le charme de la matière. Seul dans son atelier, Bruno conçoit finalement ses jeux selon cette image qu’il poursuit lui-même. Il aime créer, partager, échanger : « Dans toutes les relations humaines, le plus important pour moi, c’est le partage », résume-t-il. D’abord spécialisé dans la menuiserie traditionnelle, il consacre aujourd’hui l’essentiel de son énergie à la fabrication de jeux en bois coopératifs.
Faire parler l’essence
Jeux d’invention, jeux d’équilibre ou bien jeux de coordination, Bruno veille à donner du sens aux essences sur lesquelles il travaille. Inspiré par ses expériences passées au sein de l’éducation populaire et de la petite enfance, il pense ses jeux comme de véritables outils de développement cognitif et sensoriel. Bruno ne donne d’ailleurs qu’une seule règle à ses joueurs : ne pas en avoir ! Il travaille aujourd’hui avec de nombreuses structures scolaires, médicales et associatives : « Nos enfants, nos anciens et les personnes en situation de handicap méritent que l’on recherche des outils qui leur sont propres. Cela donne du sens à mon métier », explique-t-il.
Dans toutes les relations humaines, le plus important pour moi, c’est le partage
Bruno Thomas, artisan du bois
À travers ses créations, Bruno favorise aussi les liens intergénérationnels et donne ainsi une vocation sociale aux jeux en bois : « Un de mes plus grands plaisirs est de voir un grand-père jouer avec son petit-fils. » Son mantra : « On n’arrête pas de jouer parce qu’on vieillit, on vieillit parce que l’on arrête de jouer. ».
Cet imaginaire ludique, déjà pourvu de 80 jeux conçus en collaboration avec l’association GO Elan, le château de Guédelon ou encore la Maison de la Vache qui Rit, est uniquement issu des forêts jurassiennes. Un travail remarquable qui lui a permis de décrocher le Prix des métiers d’art décerné par la chambre de métiers de la région Bourgogne-Franche-Comté. Une reconnaissance qui vient parachever son ancrage local. « Les débuts ont parfois été difficiles, mais à présent, je ne quitterai le Jura pour rien au monde », conclut Bruno.
L’épisode « L’apprentissage devrait systématiquement être un jeu » met en lumière le savoir-faire ancestral du bois à travers le regard de Bruno. En donnant du sens à cette matière que nous offre la nature, il contribue, à sa manière, à rendre notre société plus solidaire et plus inclusive.
Itinéraire
Pour une escapade dans le Jura, le temps d’un week-end ou plus encore, le réseau TER Bourgogne Franche-Comté offre de multiples possibilités avec des prix doux et des espaces vélos accessibles gratuitement comme la ligne. Voir la carte du réseau.
De notre côté, nous avons utilisé le service d’autopartage Citiz au départ de Dijon.
Liens Utiles
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